Paris, le 6 avril 2020
36 Associations et syndicats s’associent à 88 avocats d’enfants et adressent une lettre ouverte au Premier Ministre [Cf. en pj] pour l’alerter sur la situation dramatique de nombreux mineurs isolés qui, malgré les mesures prises par le gouvernement, continuent à être laissés sans protection.
Les obstacles à l’accès à une protection effective pour les mineurs isolés existaient avant la crise sanitaire, ils perdurent aujourd’hui. Les quelques mesures prises ces derniers jours et les recommandations adressées aux conseils départementaux ne suffisent pas à préserver tous les enfants de la rue lors des différentes étapes de leur parcours. Les nombreux exemples cités dans la lettre démontrent que :
L’épidémie de Covid-19 renforce immanquablement les risques rencontrés par ces jeunes dont l’état de santé est déjà fragilisé : impossibilité de respecter les mesures de confinement, accès insuffisants à l’alimentation, à l’hygiène et à l’eau, carences d’informations adaptées sur les gestes barrières et les précautions à prendre, difficultés d’accès aux soins.
Les conditions indignes dans lesquelles ils vivent les fragilisent face au Covid-19. La crise sanitaire les prive, en grande partie, du soutien que leur fournissaient les associations et les permanences juridiques, elle rend impossible l’accès à certains services administratifs et à de nombreux tribunaux pour enfants. Rien n’est prévu pour les jeunes qui présentent une forme non aggravée du Covid-19 et doivent faire l’objet d’un suivi médical et d’un confinement individuel, les centres dits « de desserrement » étant réservés aux majeurs.
Des solutions existent pourtant afin d’imposer aux départements le respect de leurs obligations en matière d’accueil provisoire et pour garantir la protection effective des enfants et adolescents dont ils ne reconnaissent pas la minorité. Nous sommes conscients de la difficulté qu’il y a à organiser la réponse publique, en cette période de crise qui touche l’ensemble des secteurs sociaux. Certaines mesures en faveur des personnes vulnérables ont d’ores et déjà pu être prises. Elles restent cependant quasi inexistantes pour les mineurs et jeunes majeurs isolés.
Nous proposons dans cette lettre ouverte une série de mesures immédiates à prendre afin qu’aucun enfant, que ce soit durant l’état d’urgence sanitaire ou une fois cet état levé, n’ait à dormir dans
Monsieur le Premier Ministre Le 6 avril 2020
Monsieur le Ministre de la Santé et de la Solidarité
Madame la Garde des Sceaux
Monsieur le Secrétaire d’État à la protection de l’enfance.
Objet : Demande de mesures contraignantes pour assurer la protection de tous les mineurs non accompagnés dans le contexte de l’épidémie du Covid-19
Monsieur le Premier Ministre,
Madame et messieurs les ministres,
Les obstacles à l’accès à une protection effective pour les mineurs isolés existaient avant la crise sanitaire. Fort malheureusement et malgré le contexte actuel, ils perdurent aujourd’hui. Les quelques mesures prises ces derniers jours et les recommandations adressées aux conseils départementaux ne suffisent pas à préserver tous les enfants de la rue lors des différentes étapes de leur parcours.
En effet, nous constatons que :
Cette situation est aggravée par la crise sanitaire actuelle :
L’instruction sur la prise en charge et le soutien des populations précaires face à l’épidémie du Covid -19 du 27 mars 2020 rappelle que l’état d’urgence sanitaire « ne doit pas avoir pour effet de dégrader les conditions de vie des personnes les plus précaires » mais ne mentionne à aucun moment la situation des mineurs isolés. Aussi, si les jeunes présentant des symptômes graves peuvent être orientés – via le 15 – vers les établissements hospitaliers, rien n’est prévu pour ceux qui présentent une forme non aggravée du Covid-19 mais doivent cependant faire l’objet d’un suivi médical et d’un confinement individuel. Les dispositifs tels que les « centres de desserrement » leur sont fermés car ils sont réservés aux majeurs.
Les mesures contraignantes prises dans le cadre de la loi d’urgence du 23 mars 2020 concernent exclusivement ceux pris en charge antérieurement et qui atteignent leur majorité pendant la période de confinement. Aucune disposition n’a été prise pour s’assurer que les départements procèdent à l’accueil provisoire d’urgence de tous les jeunes en demande de protection. De même rien n’a été envisagé en direction de ceux considérés comme majeurs par les services départementaux et qui peuvent se retrouver, après un refus, privés d’hébergement et de toute protection adaptée à leur âge. Cette situation est d’autant plus préjudiciable que nombre de ces enfants vont devoir attendre des mois avant qu’un juge des enfants ne puisse examiner leur recours et les réintègrent, le cas échéant, dans le dispositif de protection de l’enfance.
Les déclarations d’intention pendant les débats parlementaires et les appels aux bonnes volontés par voie de presse ne suffisent pas.
Dans la lettre aux départements du 21 mars 2020, Monsieur le Secrétaire d’État à la protection de l’enfance indiquait qu’« en ce qui concerne la prise en charge des mineurs non accompagnés, priorité doit être donnée à leur mise à l’abri quand bien même les conditions de l’évaluation de la minorité sont perturbées. La protection des mineurs, et notamment de ceux se présentant comme mineurs non accompagnés, doit être garantie par des mises à l’abri systématiques. ».
Or, nous constatons que :
Cette liste de manquements à la loi en matière de mise en œuvre de l’accueil provisoire d’urgence n’est probablement pas exhaustive compte tenu de nos difficultés pour recueillir actuellement des témoignages.
Monsieur le Secrétaire d’État à la protection de l’enfance a également affirmé dans un communiqué du 24 mars 2020 que, « les débats [du projet de loi COVID-19] ont également permis de réaffirmer que tout jeune évalué mineur ou majeur sera mis à l’abri ». Les départements et les représentants de l’État ne l’ont pas tous entendu ainsi :
Enfin, nous sommes aussi préoccupés par le sort de jeunes pris en charge par l’aide sociale à l’enfance :
Des solutions existent pourtant.
Des mesures contraignantes devraient être prises afin d’imposer aux départements le respect de leurs obligations en matière d’accueil provisoire, et pour garantir la protection effective des enfants et adolescents dont ils ne reconnaissent pas la minorité.
Nous demandons :
Nous sommes conscients de la difficulté qu’il y a à organiser la réponse publique, en cette période de crise qui touche l’ensemble des secteurs sociaux. Certaines mesures en faveur des personnes vulnérables ont d’ores et déjà pu être prises. Elles restent cependant quasi inexistantes pour les mineurs et jeunes majeurs isolés.
Les enfants isolés ne doivent pas être oubliés. Nous appelons à la mise en œuvre de mesures immédiates afin qu’aucun enfant, que ce soit durant l’état d’urgence sanitaire ou une fois cet état levé, n’ait à dormir dans la rue ou dans des lieux indignes et dangereux.
Nous vous prions de recevoir, Monsieur le Premier Ministre, Madame et Messieurs les Ministres, l’assurance de notre plus haute considération.
Signataires :
Associations et syndicats :
Amnesty International France, Association d’Accès aux Droits des Jeunes et d’Accompagnement vers la Majorité (AADJAM), Avocats pour la Défense des Droits des Etrangers (ADDE), Association des Avocats de Toulouse pour la Défense des Etrangers (ADE), Association pour la Défense des Mineurs Isolés Etrangers (ADMIE), Association Nationale des Assistants de Service Social (ANAS), la CASA, CGT-PJJ, Convention Nationale des Associations de Protection de l’Enfant (CNAPE), Cimade, Défense des Enfants International (DEI-France), Droits d’Urgence, Fédération des Acteurs de la Solidarité (FAS), FASTI, Fédération Education Recherche Culture-CGT (FERC-CGT), Fédération des Etablissement Hospitaliers et d’Aide à la Personne Privés non-lucratifs (FEHAP), Fédération d’Entraide Protestante (FEP), GISTI, Hors la Rue, Ligue des Droits de l’Homme, Médecins du Monde (MDM), Médecins sans Frontières (MSF), les Midis du MIE, Mouvement contre le Racisme et pour l’Amitié entre les Peuples (MRAP), Paris d’Exil, Réseau Education Sans Frontières (RESF), Secours Catholique – Caritas France (SCCF) Soul Food, Syndicat des Avocats de France (SAF), Syndicat National des Personnels de l’Education et du Social-PJJ (SNPES-PJJ), Thémis, Timmy, UNICEF-France, UNIOPSS, Union Syndicale Solidaires, Utopia 56.
Avocats et barreaux :
Barreau du Val de Marne, ATTIAS Dominique – Paris, DELANOE DAOUD Catherine – Paris, ROTH Isabelle – Paris, DUVERNEY PRET Mélanie – Paris, DAOUD Emmanuel – Paris, DESAILLY Delphine – Paris, GOUDJIL Yamina- Paris, SFAOUI Johanne- Paris, MULS-BRUGNON Nathalie – Paris, ROUANET Pierre – Paris, MENEGON Sophie – Paris, DELBECQUE Eric – Paris, GOTTSCHECK Laurence – Paris, DANVEL Claudine – Paris, LADOUX Benjamin – Paris, PARTOUCHE KOHANA Stéphanie –Paris, ALBERTINI Jean-Etienne – Paris, MANELPHE Mélanie – Paris, JEANNOT Brigitte – Nancy, BOULY Hélène – Versailles, JULIÉ Antoine – Paris, MARECHAL Delphine – Paris, BILBILLE DAUVOIS Laurence – Paris, BRUEZIERE Émilie – Paris, DEWAELE Emilie - Lille, Présidente d’InfoMie, BATTINI Anne – Paris, VIBOUREL Anne-Caroline – Lyon, DREAU Nathalie – Paris, Plaçais Anne Carole – Paris, CHAUMETTE Yann – Nantes, SITRUK Diane – Paris, VI VAN Maëlle – Paris, PESCHANSKI Flora-Paris, CLANET DIT LAMANIT Isabelle- Hauts-de-Seine, de BLIC Blandine – Versailles, de SEZE Jean – Paris, BITTON Josine - Seine-Saint-Denis, LE ROY Amandine – Nantes, MESA Sylvia – Paris, Brigitte BERTIN – Besançon, LAFOND Christelle – Paris, HERIDA Saliha – Paris, LASSAILLY Delphine –Paris, LINO Maya - Seine Saint Denis, TOULOUM Nadia-Paris, BENITEZ Ambre - Val de Marne, BUTTIN Marlène – Paris, POUSSIN Pascale – Paris, SAIDI-COTTIER Noémie – Paris, BOULAY Véronique – Paris, DJIDERT Marie-Leïla – Paris, LENDRES Frédérique – Paris, MACAREZ Léa – Paris, LAMY Stéphanie - Val de Marne, BUCHBINDER Karine - Val de Marne, SCALBERT Sarah – Paris, FIRMIN Adeline – Lyon, MICHEL-BÉCHET Lucas – Paris, DRAVIGNY Amandine – Besançon, LANGLOIS Justine - Seine Saint Denis, BEAUVAIS-MUTZIG Laura-Paris, RODRIGUES Sonia – Nancy, GUGENHEIM Isabelle, DE SAN LORENZO Alexandra – Paris, DUMONT SAINT PRIEST Louise – Paris, FONDA Camille – Paris, SAFAR GAUTHIER Marlène –Paris, POCHARD Sophie – Lyon, MASSOU DIT LABAQUERE – Pau, RUDLOFF Séverine – Strasbourg, TADJINE Karima – Paris, MAIRE Julie – Paris, MERAL Pierre- Aurillac, SINGH Charlotte – Paris, DUJARDIN Claire – Toulouse, GORKIEWIEZ Hélène – Paris, TOURNILLON Olivier, Val-de-Marne, LEFORT Anaïs, Seine-Saint-Denis, LASSALLE Anne, Seine-Saint-Denis, NAKACHE Pascal, Toulouse, JAY Mathilde , Toulouse, GHENIM Meriem , Seine Saint Denis, FOZING Jean – Paris, BAZIN Judith – Montpellier, SORRIAUX Jonathan – Compiègne, LEVI-CYFERMAN – Nancy, KHOURY-CARDOSO Sara – Toulouse, KORN Pascale – Paris.