En période de froid, nos conditions de travail peuvent être mises à rude épreuve si l’employeur ne prévoit pas de protections contre les conditions atmosphériques (s’agissant de salarié∙es travaillant dehors), si les installations de chauffage ou l’isolation du bâti sont défectueuses. Comment anticiper ces situations qui résultent pour une part des dérèglements climatiques et du manque d’anticipation face à ces derniers ? Comment agir ?
Que dit le droit ?
L’Institut national de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) indique : “Un environnement est considéré comme froid pour une température de l’air inférieure à 18° C, température à laquelle se déclenchent des déperditions de chaleur” (“Travailler dans des ambiances thermiques chaudes ou froides : quelle prévention ?”). Cela ne veut pas dire cependant qu’on puisse s’arrêter de travailler dès qu’on passe en dessous de 18° C ! En effet, le Code du travail ne fixe pas de température minimum précise, chiffrée, en dessous de laquelle on devrait arrêter de travailler.
Il est néanmoins légitime, dès lors, de demander à l’employeur quelles sont les mesures mises en place pour prévenir les risques liés au froid. Le Code du travail précise en effet que “Les locaux fermés affectés au travail sont chauffés pendant la saison froide” et que “Le chauffage fonctionne de manière à maintenir une température convenable et à ne donner lieu à aucune émanation délétère.” (article R4223-13). Ainsi, le délai mis à réparer un système de chauffage défaillant ne saurait être un argument pour l’employeur qui doit dans l’intervalle fournir des chauffages d’appoint.
Comme pour tout risque professionnel, il est de la responsabilité de l’employeur d’évaluer et de prévenir les risques liés au froid et il “prend, après avis du médecin du travail et du comité social et économique, toutes dispositions nécessaires pour assurer la protection des travailleurs contre le froid et les intempéries.” (article R4223-15).
Le Code du travail précise également que “Les équipements et caractéristiques des locaux de travail sont conçus de manière à permettre l'adaptation de la température à l'organisme humain pendant le temps de travail, compte tenu des méthodes de travail et des contraintes physiques supportées par les travailleurs.” (article R4213-7).
Pour les salarié∙es travaillant en extérieur, il est indiqué que les postes de travail “sont aménagés de telle sorte que les travailleurs (...) dans la mesure du possible soient protégés contre les conditions atmosphériques” (pluie, vent, froid, soleil...) (article R4225-1).
L’hébergement par l’employeur fait l’objet, quant à lui, d’une précision chiffrée de la température minimale : “Les équipements et caractéristiques des locaux affectés à l'hébergement doivent permettre de maintenir la température intérieure à 18 °C au moins et d'éviter les condensations et les températures excessives.” (article R4228-28).
Le Code du travail interdit enfin d'affecter des jeunes (moins de 18 ans) à des travaux les exposant à des températures extrêmes (mais sans pour autant définir cette notion) susceptibles de nuire à leur santé (article D4153-36).
Important : ces dispositions du Code du travail s’appliquent également à la fonction publique. En conséquence, chaque fois que l’intervention du CSE sera évoquée, il faudra la transposer au comité social de chaque versant (CSA, CSE et CST).
Quels sont les risques liés au froid ?
Les risques liés au froid sont la crispation, l’engourdissement des extrémités, la perte de dextérité ou de sensibilité tactile, les engelures, l’aggravation des maladies respiratoires (asthme, bronchite chronique), l’affaiblissement du système immunitaire et l’hypothermie. Travailler dans un environnement froid entraîne également un surcroît de fatigue et une irritabilité qui nuit au maintien de bonnes conditions de travail.
Que peut-on demander à l’employeur ?
L’Institut national de Recherche et de Sécurité pour la prévention des accidents du travail et des maladies professionnelles (INRS) a publié en novembre 2024 deux documents servant d’appui pour évaluer les risques liés à la chaleur et au froid : un guide et un outil d’évaluation. Il recommande par ailleurs des mesures de prévention, qui concernent l’aménagement des locaux et des postes, l’organisation du travail ou encore les vêtements et équipement de travail.
Pour les salarié∙es travaillant en extérieur, il est conseillé d’isoler les surface métalliques, d’utiliser des équipements et outils qui peuvent être maniés avec des gants ou des mitaines, de choisir des matériaux non glissants pour les sols, de prévoir des aides à la manutention pour réduire la charge physique de travail, et d’utiliser des systèmes de signalisation. Une salle de repos chauffée doit être mise à disposition, avec des boissons chaudes et des moyens de séchage des vêtements.
En matière d’organisation du travail, les activités en extérieur doivent être planifiées en fonction des prévisions météorologiques. Le temps de travail au froid doit être limité, de même que le travail intense et le port de charge répétitif. Il faut prévoir des temps de récupération supplémentaires après l’exposition à des températures très basses. Il est nécessaire, enfin, de protéger les salarié∙es isolé∙es, de prévoir des dispositifs de communication et d’alarme.
L'employeur doit intégrer ces risques dans le Document unique d'évaluation des risques (DUER).
Que peut-on demander au médecin du travail ?
Le médecin du travail donne un avis sur les mesures envisagées par l’employeur et peut préconiser des mesures collectives, mais également des mesures individuelles. Ces dernières sont proposées par écrit et après échange avec le ou la salariée et l’employeur, en respectant la confidentialité médicale. Il peut s’agir de mesures d’aménagement du poste de travail ou du temps de travail qui tiennent compte de l’âge, de la santé physique et mentale, des pathologies, des antécédents, des médicaments ou de la grossesse du ou de la salariée.
Que faire si la situation devient intenable ?
On peut agir syndicalement ! N’hésitez pas à contacter les représentant∙es syndicaux∙ales qui pourront :
- déclencher un droit d'alerte pour situation de danger grave et imminent afin d'exiger de l'employeur des mesures immédiates de protection de la santé ;
- demander la réunion en urgence du Comité social et économique (CSE) pour contraindre l'employeur à agir ;
- saisir le médecin du travail et l'inspection du travail.
C’est aussi l’occasion d’imposer des évolutions de locaux en exigeant de l’employeur la communication de l’audit énergétique réglementaire qui est obligatoire pour les entreprises de plus de 250 salariés ayant un CA de plus de 50 millions d’euros, à l’exception de celles ayant obtenu la certification ISO 50001 qui en sont dispensées.
S'il n'y a pas de syndicat ou de délégué∙e dans l'entreprise, le ou la salariée peut contacter l'union locale ou départementale Solidaires la plus proche ou le syndicat de son secteur professionnel, afin d'être aidé∙e, accompagné∙e, de ne pas être isolé∙e.
Dans quelles conditions puis-je arrêter de travailler ?
Le droit de retrait (qui existe aussi dans la fonction publique) permet au salarié ou à la salariée de se retirer de son poste de travail lorsqu'il ou elle a un motif raisonnable de penser que sa situation de travail présente "un danger grave et imminent" pour sa vie ou sa santé, à condition d'en informer immédiatement son employeur.
Si l'employeur conteste le danger grave et imminent, il faut faire intervenir l'inspection du travail.
La validation d'un droit de retrait demeure à l'appréciation des Conseils de prud'hommes (ou du TA pour la FP) si l'employeur conteste le droit de retrait ou si le ou la salariée voit sa rémunération diminuer.
Comment agir à plus long terme ?
Par ailleurs, la nécessité d'appliquer les dispositions réglementaires et législatives peut être formalisée en CSE par la rédaction de réclamations individuelles ou collectives avec nécessité de réponses formelles de l'employeur. (Article L2312-5 pour CSE moins de 50 et Article L2312-8 pour les CSE+50) . Les réclamations peuvent anticiper les problèmes qui risquent de se poser.
Enfin, sur cette question du froid, les travailleurs et travailleuses ne réagissent pas de manière identique en fonction de l'activité réelle qui leur est confiée. "Adapter le travail à l'homme (et la femme), en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail" (comme l’exige l’article L4121-2 du Code du travail) nécessite de prendre en compte une série de considérations qui concernent la physiologie de la personne (on réagit plus ou moins au froid...), la conception des locaux (courants d'air), le travail en open space ou en bureau isolé, la nature du travail qui nécessite plus ou moins d’activité (ou d’inactivité) physique. Toutes ces questions se prêtent bien à l'enquête syndicale et à la formalisation dans le cadre de réclamations.
L'Union syndicale Solidaires revendique :
- des températures minimales et maximales de travail, selon le type d'activité et de travailleurs et travailleuses ;
- des autorisations d'absence sans retenues de salaire lors d'événements climatiques violents.