Le coût budgétaire de cette mesure fait débat, mais il est une fois de plus présenté comme élevé par les tenants de la baisse des dépenses publiques, qui poursuivent leur logique de réduction des effectifs et de compression des rémunérations. Officiellement, sur la base d’une estimation fréquemment avancée d’au moins 2 milliards d’euros pour 1 % de hausse de la valeur du point d’indice, le coût de la mesure s'élève à 7,5 milliards d'euros. Cette estimation peut surprendre, si on la compare à l’estimation du coût de la revalorisation intervenu en 2016 et 2017 de la Cour des comptes pour qui : « La revalorisation du point d’indice fonction publique, pour la première fois depuis 2010, de 0,6 point au 1er juillet 2016 et 0,6 point au 1er février 2017 a un coût en 2017 estimé à 648 millions d’euros ». Autrement dit, le coût brut de la hausse de la valeur du point d’indice reste à évaluer précisément même si nous retiendrons ici le cout brut de 7,5 milliards d’euros. Cette présentation est trompeuse et spécieuse, voici pourquoi.
Des effets sur les recettes publiques
Le coût net de la hausse de la valeur du point d’indice sera largement inférieur à ce coût. En effet, le léger surplus de rémunération sera réinjecté dans l’économie. Les fonctionnaires vont consommer leur revenu (compte tenu de l’état des rémunérations comme il est montré ci-dessous, la propension à épargner est relativement faible), payer des impôts et des contributions, etc, ce qui donnera notamment lieu :
- au paiement de TVA (qui représente 45 % des recettes de l’État et participe également au financement de la Sécurité sociale et des collectivités territoriales) et d’autres impôts sur la consommation (taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques par exemple),
- pour les fonctionnaires imposables, au paiement d’un léger surplus d’impôt sur le revenu et de contributions sociales,
- indirectement, au paiement d’impôt d’entreprises (sur les bénéfices ou sur le revenu) qui auront bénéficié du léger surplus de consommation des fonctionnaires.
En 2020, le rapport entre l’impôt net perçu et le montant des revenus déclarés par les foyers imposables et non imposables s’élevait à 5,8 %. Sur les 7,5 milliards d’euros, l’État récupérera 435 millions d’euros.
En matière de TVA, compte tenu des taux d’effort (le rapport entre la TVA payée et le revenu), qui s’étalent de 12,5 % pour les 10 % les plus pauvres à 4,7 % pour les 10 % les plus aisés. Avec un taux moyen d’environ 8 %, l’État récupérera 600 millions d’euros de recettes.
Ajoutons à cela la fiscalité indirecte sur la consommation d’énergie ou d’autres produits (tabac, alcools…). Les 20 % des ménages les plus pauvres consacrent 4,5 % de leur revenu total annuel à la fiscalité énergétique, contre 1,3 % en moyenne pour les ménages des 20 % les plus aisés. En retenant un taux d’effort moyen de 2,9 %, ce sont 217,5 millions d’euros qui seront payés par les fonctionnaires.
On pourrait également évoquer la situation des fonctionnaires propriétaires qui, comme l’ensemble des propriétaires, connaissent une hausse régulière de leur taxe foncière.
Au bas mot, sur les seuls impôts évoqués ci-dessus, plus de 1,252 milliard d’euros sera reversé à l’État, davantage si l’on étend le raisonnement à l’ensemble des impôts d’État et locaux.
Le traitement indiciaire brut fait par ailleurs l’objet de prélèvements sociaux.
Les caisses de Sécurité sociale percevront également la contribution sociale généralisée (CSG ; au taux de 9,2 % sur 98,25 % du salaire brut dont 2,4 % non déductibles et donc imposables à l’impôt sur le revenu) et la caisse d’amortissement de la dette sociale percevra les 0,5 % de la contribution au remboursement de la dette sociale (CDRS). Au total ce sont près de 715 millions d’euros qui seront versés au titre de ces deux prélèvements.
S’agissant des retraites, une cotisation de 11,10 % est également prélevée, à laquelle s’ajoute un prélèvement de 5 % sur 20 % du traitement indiciaire brut pour les retraites complémentaires. 832 millions d’euros seront ainsi prélevés pour les retraites et 1,87 million pour les retraites complémentaires.
Au bas mot là aussi, 1,548 milliard d’euros sera reversé aux caisses de Sécurité sociale.
Sur l’ensemble des « prélèvements obligatoires, ce sont plus de 2,8 milliards d’euros qui seront reversés aux caisses publiques.
Il existe également des effets indirects sur les recettes publiques
Le coût de la revalorisation du point d’indice est donc déjà passé de 7,5 à 4,7 milliards d’euros. Compte tenu des effets directs relatifs à d’autres impôts, il est mécaniquement inférieur. Encore s’agit-il ici d’un effet direct de la hausse de la valeur du point d’indice. Car indirectement, l’immense majorité des ménages dispose d’une capacité à épargner faible et, pour certains, nulle. Ceci veut donc dire que le surplus de revenu dégagé par cette hausse sera consommé et soutiendra (légèrement, compte tenu de la faible hausse) la consommation et donc le revenu et les bénéfices des entreprises de vente de biens et de services. Il en résultera là aussi un retour à l’État et aux caisses de Sécurité sociale.
Le panorama des rémunérations des fonctionnaires (de l’État, des collectivités territoriales et de l’hospitalière) montre une réalité très éloignée des discours convenus sur les rémunérations des fonctionnaires.
- le salaire net mensuel moyen dans l’ensemble de la fonction publique s’établit à 2 320 euros tandis que le salaire médian s’élève à 2 061 euros soit quasiment le même montant que le salaire médian de l’ensemble de la population (2 599 euros dans la fonction publique de l’État (FPE), 1 993 euros dans la fonction publique territoriale (FPT) et 2 315 euros dans la fonction publique hospitalière (FPH) ,
- les fonctionnaires de catégorie C représentent plus d’un tiers de l’ensemble des agent·es, avec un salaire moyen mensuel net de 1 854 euros quand celui des fonctionnaires de catégorie B équivaut à 2 457 euros et que celui des fonctionnaires de catégorie A (près de trois agent·es de la fonction publique sur dix) s’élève à 2.958 euros par mois,
- l’ancienneté et l’expérience contribuent à un niveau plus élevé de rémunération. Ainsi, alors que les agents de la fonction publique âgés de moins de 30 ans perçoivent en moyenne une rémunération nette de 1 694 euros, celle des agents âgés de 60 ans et plus atteint 2 901 euros,
- 1 % perçoit plus de 6 600 euros nets par mois,
- en 2019, 41 % des fonctionnaires ont subi une perte de pouvoir d’achat, et ce même en tenant compte de l’avancement d’échelon.
Les niveaux de salaires en moyenne sont assez proches entre secteurs public et privé. Il n’y a aucune justification de ne pas revaloriser le point d’indice pour que, enfin, il rattrape a minima l’inflation.