Nous nous félicitons de la décision de la Cour Européenne des droits de l’Homme de rejeter la demande d'abrogation de la pénalisation des clients de la prostitution contenue dans la loi française de 2016. Cette demande avait été portée par un collectif de « travailleurs∙euses du sexe » qui affirmait que la loi portait atteinte à leurs droits et à la vie privée des clients.
Adoptée en 2016 après plusieurs années de mobilisations féministes, cette loi vise à mettre fin à la violence machiste que constitue la prostitution. Elle dépénalise les personnes en situation de prostitution (fin du délit de racolage) et leur reconnait le statut de victime. Elle repose sur quatre piliers : répression accrue des proxénètes, amélioration de la prise en charge des victimes de la prostitution, responsabilisation des clients par la pénalisation et des stages de sensibilisation, et prévention auprès de la société, notamment des jeunes.
Cette loi est une victoire féministe et sociale contre le système patriarcal. La prostitution est une violence sexuelle extrême qui touche surtout les femmes pauvres, isolées, migrantes, sans-papiers, mineures et trans, dont la vulnérabilité est exploitée. Les témoignages des survivantes, telle que se nomment celles qui en sont sorties, montrent qu’il n’y a pas de liberté et que l'idée de consentement est biaisé dans un acte sexuel imposé par l'argent. Une sexualité épanouie devrait reposer sur le désir et le consentement, non sur la contrainte financière et/ou administrative.
La loi de 2016 ne doit pas être abrogées. Il est crucial de protéger les personnes prostituées, démanteler les réseaux et responsabiliser les clients, car sans eux, la prostitution n'existerait pas.
Cependant, la loi de 2016 doit être renforcée, notamment sur le volet social. Il faut revaloriser l'aide à la sortie de la prostitution (AFIS) et financer les associations qui accompagnent les personnes prostituées. Les parcours de sortie doivent être accessibles partout, sans restriction dans l’attribution des titres de séjour dont la durée doit en outre être allongée, avec une garantie d'accès à la formation, l'emploi, le logement, la santé et les minima sociaux dès 16 ans.
L'application du volet préventif de la loi est aussi prioritaire. L’absence de parole forte de la part de l’État laisse la place à un courant ultra-libéral qui assène au sein des institutions, de la presse et du mouvement social, l’idée que « le sexe » pourrait être un travail comme un autre. De nombreux contenus sur les réseaux sociaux mettent en avant l’argent soi-disant facile ainsi que l’épanouissement professionnel que procurerait cette activité, et permettrait l’émancipation financières des mineur-es. Pour lutter contre ces discours dangereux, il est en particulier essentiel qu’une sensibilisation systématique soit effectuée dans les établissements scolaires, comme la loi le prévoit. Les inégalités sociales doivent de plus absolument être combattues, personne ne devrait avoir à se prostituer pour survivre.