Monsieur le Ministre de l’Intérieur,
Depuis plusieurs années, les manifestations féministes contre les violences à l’encontre des femmes organisées autour du 25 novembre, journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes, par des cadres unitaires comme « Grève Féministe » sont troublées par des groupes d’Extrême Droite. C’est le cas de Némésis, qui cherche à s’infiltrer systématiquement dans les manifestations que nous déclarons à cette occasion, notamment à Paris. Il en est de même lors de la journée internationale pour les droits des femmes, le 8 mars.
Lors de nos déclarations de manifestation à la préfecture de Paris, nous alertons régulièrement sur le fait que ce groupe (et dans une autre mesure celui de Nous Vivrons) instrumentalise nos manifestations à des fins racistes et ne partage absolument pas les valeurs et le combat féministes que nous portons.
Depuis 2 ans, la préfecture de police de Paris, non seulement les autorise à défiler derrière nos cortèges, mais les protège en les encadrant. Et ce sont les manifestantes qui résistent à ces intrusions qui subissent une répression violente de la part des forces de l’ordre. Il n’est pas normal que des femmes qui manifestent contre les violences faites aux femmes, en mémoire de leur mère, de leur sœur ou de leur fille disparue, ou pour les droits des femmes, se retrouvent brutalisées, blessées par les forces de l’ordre !
Nous déplorons ces décisions de protection de ces groupes par la préfecture de police de Paris qui suscitent des troubles à l’ordre public et empêchent nos manifestations de se dérouler sereinement. Leur présence a créé la peur et l’incompréhension dans nos cortèges qui ont donné lieu à des arrêts. Pour toute réponse, la préfecture a fait le choix de gazer et charger la fin de cortège pour le faire avancer plus vite. Nous dénonçons ces violences dont la préfecture est responsable.
Autre fait grave, la préfecture a fait le choix de déployer la Brav-M. Cette brigade est connue pour son maintien de l’ordre viriliste et violent et dont 3 de ses membres ont été récemment condamnés pour des faits de violence en marge d’une mobilisation de 2023. Loin d’assurer la sécurité des manifestant-es, le déploiement de cette brigade est un message catastrophique envoyé aux féministes présentes.
Par ailleurs nous sommes indignées par la mise en scène après la manifestation parisienne du
22 novembre de certains membres des forces de l’ordre qui ont posé en uniforme d’intervention avec une banderole arrachée à des manifestantes. Cette entrave scandaleuse à la neutralité de l’Etat n’a pas suscité immédiatement de réaction de votre part.
Après l’enquête administrative que vous avez annoncée, nous attendons de votre part que des sanctions soient prises à l’encontre de ces agents qui, au-delà du non-respect de la neutralité des agents de l’Etat, ont une pratique qui se rapproche de groupes prônant des attitudes virilistes, voire antiféministes.
Nous tenons à rappeler que parmi les manifestantes, se trouvaient de nombreuses femmes victimes des violences conjugales, de violences sexistes et sexuelles. Une telle démonstration de mépris et de connivence idéologique compromet gravement la confiance des victimes envers les institutions, et risque de les dissuader de porter plainte ou de se tourner vers l'autorité pour obtenir protection et justice.
Monsieur le Ministre, les agents des forces de l’ordre, en tant qu’agents publics de l’État, sont assujettis à des droits et devoirs stricts et impérieux, notamment le devoir de neutralité et d’impartialité de l’administration. Ce devoir est la pierre angulaire de notre État de droit, garantissant l’égalité de traitement des citoyen·nes et l’exercice serein des libertés publiques.
La mise en scène relayée par la presse, où des policiers cagoulés exhibent une banderole féministe retournée, est un manquement d'une extrême gravité à ces obligations. Elle va au-delà du simple non-respect du code de déontologie : elle traduit une prise de position politique partisane et virulente, clairement hostile au mouvement féministe, contredisant le principe même du service public. Cet acte, immortalisé dans la presse, est perçu par notre collectif non comme un incident isolé, mais comme une provocation délibérée des forces de l'ordre envers un groupe de manifestantes.
En conséquence, nous vous demandons non seulement que l'enquête administrative aboutisse à des sanctions disciplinaires exemplaires pour ces agents, mais surtout que vous preniez des mesures structurelles pour garantir que :
- La formation des agent·es de la Préfecture de Police intègre de manière rigoureuse le rappel du devoir de neutralité politique et le respect des libertés fondamentales, en particulier le droit de manifester.
- Tous les agent·es des forces de l’ordre soient formé·es aux violences sexistes et sexuelles, et sensibilisés à l’accueil bienveillant des victimes, afin de ne pas reproduire d'attitude qui pourrait compromettre leur démarche de porter plainte.
- Des directives claires et fermes soient données pour mettre fin à cette politique d'encadrement protecteur des groupes d’Extrême Droite qui, par leurs actions, menacent l'ordre public et la sérénité des manifestations que nous déclarons.
C’est votre responsabilité de Ministre de l'Intérieur de restaurer la confiance et de rappeler solennellement que l'uniforme ne peut être le masque d'un militantisme antiféministe ou raciste.
Dans l'attente de votre réponse ferme et des actions concrètes que vous ne manquerez pas d'engager, nous vous prions d’agréer, Monsieur le Ministre, l’expression de notre haute considération.
Pour le cadre unitaire Grève Féministe, le collectif d’animation.