Monsieur le Président de la République,
La proposition d’un plan de reconstruction de Gaza formulée par les États de la Ligue arabe, lors du Sommet du Caire, le 4 mars dernier, a le mérite de donner un horizon politique à une population plongée dans la plus grande détresse. Opter pour un règlement politique au détriment d’une vision à courte vue est la voie à suivre pour enrayer l’enchainement tragique de guerres et de terrorisme et la France doit y prendre toute sa part.
Le plan de reconstruction « rejette toute tentative de changement démographique ou territorial de la bande de Gaza », il prévoit un vaste plan pluriannuel avec ses habitants restés sur place.
La France a soutenu cette initiative : « Ce plan constitue une base sérieuse et crédible pour répondre dès aujourd’hui aux besoins de reconstruction, de gouvernance et de sécurité à l’issue de la guerre à Gaza. Il permet de garantir le respect du droit international et de préserver l’inscription de l’avenir de Gaza dans le cadre d’un futur État palestinien ». L’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie lui ont également apporté leur soutien alors que les États-Unis et Israël l’ont immédiatement rejeté.
Les organisations syndicales sont convaincues que la France, en raison de son histoire et de ses relations privilégiées avec tous les acteurs du conflit, et de la région, peut jouer un rôle déterminant dans la réussite de ce plan de reconstruction en s’engageant pleinement dans le combat diplomatique qui s’annonce. Nous demandons à la France d’user de toute son influence pour jouer un rôle moteur afin d’atteindre cet objectif.
La question de la gouvernance est clé et elle devra être palestinienne en attendant des élections indispensables.
Cependant, des menaces planent qui pourraient faire échouer le plan de reconstruction : le gouvernement israélien a fait le choix de reprendre une guerre qui menace l’ensemble du peuple palestinien dans son existence même, a décidé de bloquer l’accès de l’aide humanitaire à Gaza et cessé de fournir de l’électricité dans l’enclave. Nous sommes face à deux risques de graves violations du droit international : d’une part, le déplacement forcé de toute une population (déportation au sens de la IVème Convention de Genève de 1949) corroboré par les récents propos du ministre des Finances israélien, annonçant la création d’une « administration de la migration » prévoyant le déplacement des Gazaouis afin de faire appliquer le plan Trump et d’autre part, une annexion de fait de la Cisjordanie entraînant un apartheid institutionnel assumé.
Il est plus que jamais indispensable de faire respecter le droit international, les institutions multilatérales et notamment la CPI. Pour nos organisations celui-ci n’est pas à géométrie variable. Comme cela a été le cas vis à vis de la Russie après l’agression militaire de l’Ukraine, la France doit, en lien avec l’Union Européenne, assortir ses exigences de mesures concrètes de sanctions dès lors que l’État israélien ne se conforme pas aux résolutions de l’ONU, et notamment porter la suspension de l’accord d’association entre l’Union Européenne et Israël.
Il y a urgence à peser car le plan de reconstruction alternatif de Gaza est l’unique initiative sur la table offrant des possibilités de trouver une issue à cette éternelle tragédie. La France doit saisir cette opportunité. C’est une responsabilité historique.
Nous sommes face à deux chemins : l’un nous mène vers des guerres sans fin, l’autre offre des perspectives de paix, qui pour être durable devra être juste. Le plan de reconstruction de Gaza a le souci de s’inscrire dans un projet politique qui va vers l’égalité des droits et notamment l’exercice du droit à l’autodétermination du peuple palestinien, avec les indispensables garanties de sécurité qui s’imposent pour toutes les populations, comme le stipulent les résolutions du Conseil de Sécurité.
Ce plan de reconstruction permet de sortir par le haut des guerres à répétition, c’est la raison pour laquelle la France doit tout mettre en œuvre pour assurer son succès.
Cet engagement fort devra aboutir à la reconnaissance de l’État de Palestine lors de la Conférence internationale que la France co-présidera en juin prochain.
Nous vous prions d'agréer, Monsieur le Président, l'expression de notre haute considération.
Fait à Montreuil, le 07/04/2025
Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT
Murielle Guilbert et Julie Ferrua, co-déléguées générales de l’Union syndicales Solidaires
Caroline Chevé, secrétaire générale de la FSU