Chaque semaine, de nouveaux scandales apparaissent : Panama papers, Mediator, Dépakine, contaminations et fraudes alimentaires, pollutions environnementales… Derrière ces affaires, il y a des hommes et des femmes qui décident de prendre la parole pour dénoncer des dysfonctionnements et éviter des crises sanitaires, écologiques ou économiques.
Nombre d’entre eux restent anonymes. Ils sont motivés avant tout par leur éthique et leur souci de l’intérêt général. Ils constatent des faits aux conséquences graves pour notre santé, notre environnement, pour le bon fonctionnement de notre démocratie ou pour le respect de notre privée. Et ils décident d’en référer aux autorités compétentes pour y remédier.
Malheureusement, suite à cet engagement fort, leur quotidien devient intolérable et leurs alertes sont encore trop rarement entendues. Lorsqu'ils sont salariés, ils sont licenciés, harcelés, mis au placard. Lorsqu'il s'agit de militants associatifs, de parents d'élèves, de riverains... ils sont dénigrés et font face à des agressions verbales, physiques, ou des poursuites judiciaires abusives. Ils peinent à identifier à qui s'adresser pour que les abus qu'ils dénoncent cessent. Leurs soutiens - journalistes, associations, syndicats – mais aussi leurs proches en paient les frais.
Cette situation doit cesser.
En 2016, la loi Sapin II a tenté de régler, en partie, ce problème. Elle a, par exemple, interdit de licencier ou de rétrograder les lanceurs d'alerte. Mais obtenir ce statut relève encore du parcours du combattant et cette loi comporte de nombreuses lacunes. Elle n'offre, par exemple, aucune garantie que les alertes soient traitées, ce qui est bien souvent la première demande des lanceurs d'alerte.
Nous demandons à présent au gouvernement et aux parlementaires d'aller plus loin et de saisir l'occasion inédite que représente l'impératif de transposition de la directive européenne pour la protection des lanceurs d'alerte.
En 2019, l'Union européenne a, en effet, pris la mesure du problème et adopté une directive qui améliore significativement les droits des lanceurs d'alerte en Europe. Cette directive doit être transposée en droit français avant la fin de l'année 2021. Elle impose aux États un certain nombre d'avancées par rapport au droit actuel, notamment en France. Elle met, par exemple, fin à l'obligation, pour un salarié, d'alerter d'abord au sein de son entreprise - obligation qui l'expose bien souvent aux représailles ou qui fait courir le risque de destruction de preuves.
Mais sur d'autres points, elle laisse aux États le soin de définir eux-mêmes les modalités d'amélioration de leur législation.
Depuis 2019, la Maison des Lanceurs d'Alerte s'est mobilisée, aux côtés de plusieurs dizaines d'autres organisations, pour alimenter le débat public sur ce sujet. Douze propositions concrètes ont été formulées pour compléter les dispositions de la directive. Elles abordent la question d'un fonds de soutien pour accorder des aides d'urgence aux lanceurs d'alerte en difficulté ; la simplification des procédures avec la mise en place d'un guichet unique auquel adresser une alerte et qui s'assure qu'elle soit suivie d'effets ; ou encore le renforcement des sanctions contre les "étouffeurs d'alerte"ou du rôle d'appui des syndicats sur les lieux de travail.
Ces propositions ont été adressées au gouvernement et aux parlementaires par lettre ouverte en 2019 puis en 2020. Des institutions reconnues telles que le Défenseur des droits ou la CNCDH - la Commission nationale consultative des Droits de l'Homme - ont publié des avis rappelant au gouvernement l'urgence et l'importance du problème.
À l'heure actuelle, nous n'avons aucune certitude que des mesures ambitieuses seront adoptées prochainement pour protéger les lanceurs d'alerte et garantir que leurs alertes soient traitées.
Nous, associations et syndicats mobilisés sur cette question, invitons donc toutes les personnes qui reconnaissent l'enjeu démocratique qu'est la défense des lanceurs d'alerte et de leurs alertes à signer notre appel.
Trop de personnes aujourd'hui sont témoins d'abus et se taisent par peur ou manque de moyens. Par ce silence, ce sont nos droits, nos libertés et notre intégrité qui sont menacés. Les lanceurs d'alerte sont des sentinelles qui construisent un monde souhaitable pour tous. Nous devons leur permettre de parler et nous assurer que cette parole est entendue.
Signez notre appel pour porter la voix des lanceurs d'alerte à l'Assemblée nationale :