Il est bien connu notamment dans les médias que la France serait un pays d’assisté-es sociaux bénéficiant éhontément de la générosité collective et vivant aux crochets de la collectivité. Le premier ministre a même déclaré le 15 février dernier que les aides sociales « se méritaient » et que donc il faudrait s’interroger sur leurs « contreparties ».
Pourtant dans les faits, c’est une réalité bien différente qui se dévoile.
En effet, selon les dernières estimations de plusieurs sources comme le Secours catholique-Caritas France et son rapport statistique annuel «Etat de la pauvreté en France 2018 » ou encore selon le Fonds de financement de
la couverture maladie universelle complémentaire (CMU-C) et de l’aide à la complémentaire santé (ACS), ce sont en réalité plus de 10 milliards d’euros d’aides qui ne sont jamais sollicitées par les populations socialement fragiles qui pourraient en bénéficier ! De quoi indiscutablement sortir de la misère !
Les raisons sont multiples mais plusieurs facteurs l'expliquent :
la méconnaissance de leurs droits par les bénéficiaires, le manque d’information, la complexité des dispositifs et des démarches administratives ou encore la dématérialisation et enfin l’impossibilité de pouvoir accéder à internet.
La non sollicitation des aides touche l’ensemble des dispositifs, le RSA « socle » n'étant, par exemple, pas sollicité par près du tiers (30%) de ses potentiels bénéficiaires. Même chose pour la CMUC où ce sont près des deux tiers qui n’utilisent pas leur chèque ACS afin de pouvoir bénéficier de l’aide pour une complémentaire santé ! Voilà qui brosse un tableau méconnu de la réalité de l’attribution des aides sociales. Car si la fraude au RSA et aux diverses aides sociales fait la une des médias, alors qu’elles ne sont que de l’ordre de quelques centaines de millions d’euros par an, la véritable fraude sociale liée notamment au travail non déclaré est largement masquée. Pourtant ce sont des dizaines de milliards d’euros qui échappent aux caisses de protection sociale. La réalité de la non distribution et sollicitation des aides sociales est encore moins connue. De fait, ce non accès aux aides auxquelles les personnes peuvent pourtant prétendre démontre à l’évidence qu’en plus d’être dominées et mises à l’index socialement, nombre d'entre elles sont en situation de pauvreté et s’estiment totalement sans droits. Quand l’on sait que moins de la moitié des chômeurs et chômeuses perçoivent des indemnités chômage, tout cela alimente un désespoir et une exaspération sociale qu’exprime aussi le mouvement des gilets jaunes.Ce sont autant d’obstacles pour accéder à l’autonomie, élément essentiel pour en finir avec la pauvreté et la précarité.
Le calcul cynique qui consiste à se dire que ces 10 milliards non distribués à celles et ceux qui y ont droit sont autant d'économies pour l'Etat - faites sur le dos des plus précaires, donc – pourrait bien, ainsi, se retourner contre celles et ceux qui le font. Une surdité et un aveuglement que le pouvoir va payer, avec les intérêts, pour le coup.