Rappel du contexte et de nos premières victoires
Depuis des années l’Union syndicale Solidaires et plusieurs associations de défense de l’environnement et des victimes des pesticides réunies dans un collectif, alertent sur les carences de l’Etat en matière de protection des riverains et travailleurs soumis aux épandages de pesticides. Cette pression a abouti, lors des Etats Généraux de l’Alimentation de 2017, à l’adoption de l’article 83 qui introduit l’obligation de prendre des mesures de sécurité des riverains et l’adoption de chartes d’engagements.
Les textes règlementaires promulgués en 2019 étant trop faibles et les chartes en découlant totalement inacceptables, nos ONG ont déposé des recours victorieux à la fois devant le Conseil Constitutionnel et le Conseil d’Etat. A la suite des recours déposés par nos organisations*, le Conseil d’Etat a rendu le 26 juillet 2021 une décision majeure dans la lutte contre les pesticides, en annulant, car insuffisamment protectrices, plusieurs dispositions encadrant leur épandage près des habitations :
- insuffisance des distances minimales pour les produits suspectés d’être cancérogènes, mutagènes ou toxiques pour la reproduction (CMR 2),
- absence d’information réelle des riverains en amont des épandages,
- insuffisante protection des riverains et travailleurs.
Que propose le gouvernement pour répondre aux attentes du Conseil d’Etat, dans les textes adoptés le 25 janvier 2022 sur la mesure essentielle visant à imposer une zone non traitée élargie pour les CMR2 ? Rien !
Cette mesure n’ayant pas fait l’objet d’un nouvel arrêté, dans la prétendue attente d’un nouvel avis de l’ANSES qui serait plus « favorable » aux utilisateurs, nos organisations ont décidé de saisir le Conseil d’Etat le 9 février 2022 pour défaut d’exécution de l’arrêt du 26 juillet 2021.
Une nouvelle victoire pour nos organisations, un nouveau camouflet pour l’Etat
La Haute juridiction, dans sa décision du 22 décembre 2022, suit notre position, et enjoint à l’Etat de prendre des mesures propres à permettre de fixer des distances de sécurité suffisantes pour les produits CMR2 dont l’autorisation de mise sur le marché ne prévoit aucune distance de sécurité spécifique. Et ce dans un délai de deux mois sous astreinte de 500 euros par jour de retard, compte tenu, dixit le Conseil d’Etat, de la « gravité des conséquences » de ce défaut d’exécution « en termes de santé publique » et de « l’urgence particulière qui en découle ».
Nous nous réjouissons de cette nouvelle victoire qui démontre une fois encore l’urgence de prendre des mesures de protection rapides et efficaces à l’égard des riverains qui sont, rappelons-le, des populations vulnérables au sens du Règlement 1107/2009. A l’image de ce que nous dénonçons au sujet des chartes d’engagements trop peu protectrices, nous attendons du gouvernement qu’il réouvre vraiment ce dossier pour prendre les mesures qui s’imposent, et ce urgemment et avant que les épandages ne redémarrent au printemps !
Paris le 23 décembre 2022
* AMLP, Collectif Victimes pesticides de l’Ouest et du Nord, Eau et Rivières de Bretagne, FNE, Générations Futures, UFC Que Choisir, Vigilance OGM 16, Union syndicale Solidaires.