Palestine : cinq nouvelles encourageantes provenant de la Haye

Les mouvements sociaux sont parfois méfiants face au Droit international, qui représente souvent une justice de classe, une justice coloniale, une justice des pays du nord contre les pays du sud. Début janvier, alors qu'un État du Sud global, l'Afrique du Sud, poursuivait un État que l'on peut attribuer au Nord global, Israël, pour le crime suprême de génocide, peu de commentateurs y voyaient de chance pour un procès juste. Au vu de la liste des 15 juges de la Cour Internationale de Justice de La Haye (CIJ), beaucoup pensaient même que la demande serait jugée non recevable, comme demandé par Israël, avant même d'être examinée en détail...

La première nouvelle encourageante provenant de La Haye est donc que la CIJ s'estime compétente pour juger Israël en vertu de la convention sur le génocide, et qu’elle refuse la demande d’Israël tendant à ce qu’elle raye l'affaire. Cette décision constitue un revers diplomatique de plus pour Israël, et le gouvernement sud-africain a salué cette « victoire décisive » pour l’État de droit international.

La deuxième nouvelle encourageante est que la plupart des décisions ont été rendues à la quasi- unanimité des juges de la Cour, à l'exception de la juge ougandaise. Puisque la Cour compte des juges des États-Unis, de France, d'Allemagne ou d'Australie, on peut se réjouir qu'ils et elles aient rendu des jugements contraires à la politique de leurs États respectifs.

Avant de statuer sur le fond, car à ce stade la CIJ n’a que le pouvoir d’indiquer des mesures conservatoires et n'est pas censée statuer sur le génocide en cours, elle affirme cependant qu'il est plausible. La Cour considère en effet qu'il existe un risque réel et imminent qu'un préjudice irréparable soit causé.

La troisième nouvelle encourageante est que parmi les mesures conservatoires qu'elle indique, Israël doit prévenir tout acte génocidaire, en particulier de la part de son armée, c'est à dire implicitement qu'elle cesse de bombarder Gaza, ce que la communauté internationale et l'Union syndicale Solidaires demandent depuis plus de trois mois. Bien que non demandé explicitement, et on peut le regretter, un cessez-le-feu immédiat constituerait la condition la plus efficace pour mettre en œuvre les mesures provisoires indiquées par la Cour. La Cour indique également qu'Israël doit empêcher et punir l’incitation au génocide, garantir la fourniture d'une aide humanitaire dans la bande de Gaza, conserver les preuves du génocide, et soumettre d'ici un mois un rapport sur toutes les mesures prises en ce sens.

La quatrième nouvelle encourageante est qu'une fois le crime de génocide reconnu, alors la complicité de crime de génocide s'appliquera aussi à tous les États, entreprises, institutions, médias, ou personnes qui encouragent, facilitent ou participent à ce crime, et ils sont nombreux. On pense aux États qui fournissent des armes, aux représentant·es qui encouragent les bombardements, ou aux entreprises comme Carrefour qui soutiennent l'armée.

La cinquième nouvelle encourageante est que le rapport de la CIJ engage tous les États, y compris ceux qui ont critiqué la démarche de l’Afrique du Sud, avant et après les annonces de la CIJ. Tous les États ont l'obligation urgente de prendre toutes les mesures possibles pour s'assurer qu'Israël respecte la décision de la Cour, et mette en œuvre les mesures provisoires qu’elle a ordonnées. Sachant que des décennies d'impunité ont habitué Israël à ne pas respecter le droit international, cela nous oblige donc, habitants des pays occidentaux, et nous donne un moyen de pression sur nos gouvernements bien trop complices jusqu'ici. C'est ainsi que nous pouvons d'autant plus légitimement exiger de la France qu'elle :

  1. 1)  impose un cessez-le-feu et la fourniture d'une aide humanitaire dans la bande de Gaza,
  2. 2)  exerce des sanctions économiques et diplomatiques au niveau national, européen et international contre Israël tant que le génocide se poursuit, afin d'y mettre fin. De telles sanctions peuvent inclure l'annulation des accords de libre-échange, et l'expulsion d'Israël des instances internationales, y compris culturelles et sportives, en particulier à l'approche des Jeux Olympiques,
  3. 3)  poursuive les génocidaires civils et militaires, en Israël comme partout dans le monde, y compris en France, celles et ceux qui ont incité, soutenu ou participé au génocide,
  4. 4)  impose immédiatement un embargo militaire bilatéral à Israël, tel que le demandent de nombreux syndicats dans le monde, dont l’Union syndicale Solidaires (1).

Enfin, il va sans dire que les États-Unis et la plupart des États européens ne vont pas sanctionner Israël de gaîté de cœur, et que c'est la gravité de la situation génocidaire qui pourrait infléchir leur politique jusqu'ici complice. De telles mesures ne seront donc prises que si la pression, tant nationale qu'internationale, se poursuit, diplomatiquement mais aussi dans la rue.

Ces nouvelles encourageantes ne suffisent néanmoins pas à faire cesserles massacres et le génocide en cours. Plus que jamais, l'Union syndicale Solidaires appelle à participer aux mobilisations citoyennes. Nous appelons à multiplier les manifestations, mais aussi les actions de boycott (comme la campagne BDS) contre des entreprises qui ne sont pas seulement complices du crime d'apartheid, mais aussi maintenant du crime de génocide, au vu et au su de la communauté internationale.

(1) Non à la coopération militaire avec Israël - Union syndicale Solidaires, 26 janvier 2024 https://solidaires.org/non-a-la-cooperation-militaire-avec-israel/