Palestine - De qui le plan Trump est-il le nom ?

On aurait pu penser que la priorité était d’assurer la fin du génocide toujours en cours à Gaza, l’afflux de l’aide humanitaire toujours entravée par les autorités israéliennes, le retrait des troupes israéliennes du territoire de la bande de Gaza, le retour au Droit international, la poursuite des criminels de guerre israéliens, la libération des prisonnier·es palestinien·nes, des réparations pour tou·tes les mort·es et les blessé.es, la reconstruction indispensable des infrastructures vitales détruites par deux ans de bombardements incessants, et la fin du blocus meurtrier, toujours en place depuis près de 20 ans...

Au lieu de tout cela, le « Plan Trump » voté par le Conseil de sécurité de l’ONU le 17 novembre 2025 ne vise qu’à perpétuer l’occupation de Gaza par la puissance coloniale qui depuis deux ans tente de l’anéantir, contre toutes les règles du droit international. De façon caricaturale, ce plan prévoit un “comité de la paix”, censé gouverner Gaza jusqu’au 31 décembre 2027, qui serait présidé par Donald Trump lui même, pourtant complice du génocide. Une « Force de Stabilisation Internationale », composée de soldats indonésiens, azerbaïdjanais et autres, serait également chargée de protéger les Gazaoui·es, de former la police palestinienne, et de désarmer le Hamas, un objectif que l’armée israélienne n’a pas réussi à atteindre en deux ans de guerre.

Non seulement la gouvernance de Gaza est donc prévue d’être assurée sans Palestinien·nes, mais de façon encore plus caricaturale, l’ensemble de ce « plan de paix » a été mis au point sans le consentement, et même sans la consultation des Palestinien·nes de Gaza ! Cette mise sous tutelle rappelle donc directement l’esprit colonial des mandats de la SDN (Société des Nations) dont on se pensait revenus, où les autochtones sont encore considérés comme incapables de se diriger eux-mêmes, et nécessitent l’aide éclairée des occidentaux civilisés.

En effet, dès la fin de la Première guerre mondiale, alors que les Alliés entrevoient la victoire en Europe, ils préparent aussi la conquête du Moyen-Orient, par le démantèlement de l’Empire ottoman. Dans une logique coloniale où les pays occidentaux vont guider les peuples autochtones vers l’émancipation et l’indépendance, la France et la Grande Bretagne se partageront le gâteau moyen-oriental, sous l’égide de la SDN. La France obtiendra ce mandat sur la Syrie et le Liban, et la Grande Bretagne sur l’Irak, la Transjordanie et la Palestine.

En Palestine, la Grande Bretagne avait promis l’indépendance aux Palestinien·nes, mais dans le même temps, par la déclaration du ministre antisémite Balfour en 1917, l’établissement « d’un foyer national pour le peuple juif » sur ce même territoire. Elle cherche à s’assurer un allié de poids dans cette région qu’elle veut contrôler, mais trahit ainsi la promesse faite aux Palestinien·nes, et décide - déjà - de leur avenir sans les consulter.

Après la deuxième guerre mondiale, l’ONU (Organisation des Nations Unies) a remplacé la SDN, et les États-Unis veulent aussi imposer un Moyen-Orient qui servira leurs intérêts. Plus que jamais, le projet sioniste d’établir un État juif en Palestine se heurte alors aux revendications d’indépendance des Palestinien·nes, qui demandent leur autodétermination, à l’instar de tous les autres peuples sous domination coloniale. Avec le soutien de plusieurs pays occidentaux qui pèsent très lourds dans les instances internationales, l’Assemblée générale des Nations Unies recommandera en 1947 dans sa résolution 181, le partage de la Palestine en deux États, l'un juif, l'autre arabe. Ce « plan de partage » est lui-même contraire aux principes approuvés deux ans plus tôt par l’ONU, qui affirment la prééminence du droit à l’autodétermination pour tous les peuples.

L’État d’Israël est proclamé en 1948, et la Nakba (catastrophe) qui débute par l’assassinat d’au moins 15 000 Palestinien·nes, l’expulsion de plus de la moitié des survivant·es qui deviendront des réfugié·es (près de 800 000 Palestinien·nes), et plus de 500 villages détruits, ne fait que commencer. Pendant 50 ans, le narratif israélien feint de se conformer au droit international, tout en intensifiant des politiques de colonisation, d’apartheid et de répression de plus en plus féroces. Mais petit à petit les masques tombent : en 2000, le premier ministre israélien Ariel Sharon déclare : « nous allons maintenant achever ce qui n’a pas été achevé en 1948 », et le paroxysme est atteint avec le génocide à Gaza en 2023.

Depuis 80 ans, les États-Unis sont à la manœuvre : en Israël, les avions sont américains, les munitions sont américaines. Mais cette gestion coloniale par procuration ne suffit plus à un président étasunien qui n’a que faire des faux semblants. Donald Trump exprime ouvertement ses rêves mégalomaniaques et impériaux. Il veut être Prix Nobel de la Paix, mais il veut également être, comme le roi d’Angleterre en 1920, mandataire de la Palestine, ce que l’ONU vient de lui accorder.

L’Union syndicale Solidaires est internationaliste, ce qui implique qu’elle se place toujours du côté des peuples et en faveur de leur autodétermination. Dans de nombreuses situations, dont celle de la Palestine, cela implique de comprendre le contexte, et donc de bien connaître l’histoire des peuples dans la région. Ce retour sur un siècle d’histoire en Palestine nous permet de mieux comprendre ce « Plan Trump » qui semble fou par certains côtés, mais qui s’inscrit en fait dans une logique historique, celle d’une vision raciste et négationniste des droits des autochtones, dans le but de contrôler la Palestine, mais aussi toute la région, ses routes et ses ressources.

La seule consolation qu’on peut tirer d’un tel « plan » pour lequel, rappelons-le, la France et sa tradition colonialiste s’est fidèlement placée aux côtés des États-Unis, est qu’il sera largement irréalisable. Gaza et le reste de la Palestine ont résisté pendant plus de cent ans contre la colonisation britannique et israélienne, ils résistent encore, et ils résisteront au « plan Trump » pour le mettre en échec.

Il est de notre devoir, en tant qu’union syndicale, de continuer à dénoncer le génocide en cours, de demander à nos gouvernements d’imposer une aide humanitaire et médicale urgente et massive, la fin de la collaboration, et surtout des sanctions contre Israël et contre tous les auteurs de crimes de guerre, de crimes contre l’humanité, et de crimes de génocide, de Netanyahou à Trump, en passant par Macron et d’autres. A l’opposé de ce « plan Trump », nous visons une solution de long terme, avec des Palestinien·nes considéré·es comme des citoyen·nes adultes et responsables de leur destin, autorisé·es à vivre une vie normale, prospère, sans blocus, ni mur, ni apartheid, et avec le retour de tou·tes les réfugié·es dans leurs foyers. Ce ne sont que des préalables à la solution à laquelle nous aspirons toutes et tous, la fin de la colonisation et la libération de la Palestine, tant attendue depuis maintenant plus d’un siècle.