Dans une lettre ouverte adressée aux dirigeants politiques du Mexique et de l’Union européenne (UE), plus de 120 organisations de la société civile mexicaine et européenne, dont plus d’une vingtaine françaises (parmi lesquelles l’Aitec, les Amis de la Terre, Bloom, le CCFD-terre solidaire, le collectif Stop CETA-Mercosur, la Confédération paysanne, le CRID, France Amerique Latine, France Nature Environnement, la FSU, Générations Futures, la Ligue des droits de l’Homme, Union syndicale Solidaires), appellent à ne pas ratifier l’accord de libre-échange "modernisé" entre l’UE et le Mexique.
C’est le 28 avril 2020 que la Commission européenne a annoncé avoir conclu les négociations (2) entre l’Union européenne et le Mexique en vue de réviser l’accord existant. Ce nouvel accord (3), négocié dans la plus grande opacité pendant quatre ans, s’il devait être ratifié, remplacerait l’accord EU-Mexique actuellement en vigueur depuis l’an 2000. Loin d’en régler les aspects problématiques, ce nouvel accord approfondit la libéralisation du commerce, ouvre de nouveaux marchés et donne de nouveaux droits aux entreprises multinationales.
En cours de traduction, cet accord pourrait entamer son processus de ratification à l’automne, en commençant par le Conseil de l’UE et le Parlement européen, et de leurs équivalents mexicains. Les parlements nationaux des États membres de l’UE devront également approuver le nouvel accord, a minima le chapitre portant sur l’investissement. La Commission européenne souhaite court-circuiter cette ratification nationale, qui allonge énormément le processus (le CETA, accord UE-Canada n’est toujours pas pleinement ratifié), en « divisant » l’accord en deux pour que la partie commerce ne soit ratifiée qu’au niveau européen, et pas au niveau national. Le Mexique refuse que l’accord soit divisé en deux.
Le nouvel accord va lever les barrières tarifaires (droits de douanes...) pour 99% des produits échangés entre l’UE et le Mexique. Les exportations de riz (+998%), de viande (+848%), de sucre (+450%) du Mexique vers l’UE pourraient exploser, tandis que celles de l’UE vers le Mexique, comme pour les produits laitiers (+462%) le bœuf (+660%) et le sucre (1245%) pourraient en faire autant. L’accord comprend un quota de 20 000 tonnes supplémentaires de bœuf qui pourraient être importées en Europe du Mexique (4).
Cet accord lèverait également de nombreuses barrières commerciales non tarifaires et ouvrirait les marchés publics des collectivités territoriales mexicaines aux multinationales européennes. Selon la Commission européenne, c’est la première fois que le Mexique accorde aux entreprises étrangères l’accès aux marchés publics nationaux, territoriaux et locaux. Cela pourrait avoir des conséquences désastreuses au Mexique : privatisation des services publics, perte d’emplois, etc. Cet accord UE-Mexique est également le premier accord avec un État latino-américain à disposer d’un chapitre sur l’investissement qui accorde aux entreprises européennes le droit exclusif de poursuivre l’État mexicain devant un tribunal d’arbitrage investisseur-État (RDIE – ISDS en anglais).
Avec ce projet d’accord, le Mexique s’engage à adhérer à la dernière convention de l’Union internationale pour la protection des obtentions végétales (UPOV) de 1991 qui conduit à accélérer la privatisation des semences et à renforcer le pouvoir des fabricants européens de semences et de pesticides. L’UE exporte près de 5000 tonnes par an de pesticides non autorisés en Europe. Le monde agricole et paysan va payer un lourd tribut à la mise en oeuvre d’un tel accord, alors que, dans le même temps, les dispositions visant à protéger les droits humains, le droit des travailleurs, la planète et le climat sont extrêmement limitées.
Autant de raisons qui justifient que plus de 120 organisations de la société civile mexicaine et européenne, dont plus d’une vingtaine françaises, parmi lesquelles l’Aitec, Alternatiba, les Amis de la Terre, Action non-violente COP 21, Bloom, le CCFD-terre solidaire, le collectif Stop CETA-Mercosur, la Confédération paysanne, le CRID, France Amerique Latine, France Nature Environnement, la FSU, Générations Futures, la Ligue des droits de l’Homme, publient une lettre ouverte qui appelle les dirigeants politique du Mexique et de l’UE et de ses États-membres, dont la France, à ne pas ratifier l’accord de libre-échange "modernisé" entre l’UE et le Mexique.
Notes :
- (1) Appel de 120 organisations de la société civile européenne et mexicaine (avec la liste des signataires) : Six raisons pour NE PAS ratifier l’accord global UE-Mexique
- le dossier de la Commission européenne sur l’accord UE-Mexique
- les textes de l’accord avant révision légale et traduction
- le guide d’analyse de l’accord UE-Mexique publié par le collectif Stop CETA-MERCOSUR, l’Aitec et Attac France
- liste des organisations signataires en France : Liste des organisations signataires en France : Aitec, Alofa Tuvalu, Amis de la Terre France, Attac France, BLOOM Association, CADTM France, CCFD-Terre Solidaire, Collectif Alerte France Brésil / MD18, collectif Stop CETA-Mercosur, Comite de solidaridad con los Pueblos Indigenas de las Americas, Comité Pauvreté et Politique, Confédération paysanne, CRID, Emmaus International, Europe solidaire sans frontières (ESSF), Fondation Copernic, Fondation Danielle Mitterrand, France Amerique Latine – FAL, France Nature Environnement, FSU,Générations Futures, Les Amis du Monde Diplomatique, Ligue des droits de l’Homme (LDH), Notre Maison Brûle, Tierra y Libertad para Arauco – Wallmapu, Union syndicale Solidaires
Voir également sur le site du collectif national unitaire stop CETA Mercosur : https://www.collectifstoptafta.org/actu/article/plus-de-120-organisations-appellent-a-ne-pas-ratifier-l-accord-global-ue