Le 10 mai dernier était célébrée la journée nationale mémoire de l’esclavage ; le Président de la République n'a pas jugé utile de s'y rendre contrairement à ses prédécesseurs.
Quand bien même il y aurait participé, peut-on se contenter d'actes purement symboliques et de cérémonies mémorielles lorsqu'il s'agit de rappeler à la société française que la mise en esclavage, associée à la colonisation de terres hors de ses frontières, fait partie de son histoire et plus précisément de l'histoire qui a fondé la division internationale et raciale contemporaine du travail ?
La mise en esclavage a constitué une formidable source d'accumulation capitaliste pour les Etats coloniaux européens, et leur a servi de tremplin pour asseoir une domination internationale qu'ils défendent encore aujourd'hui de toutes leurs forces.
L'Etat français a traité les mis en esclavage par la mise en place du Code noir, instrument légalisant la marchandisation et l'exploitation des corps noirs, la perte de leur dignité et de leur humanité, comme il exploite actuellement les migrant∙es, les populations racialisées, précarisées et exclues. Les paradigmes de la colonialité de l'Être et du pouvoir sont les mêmes ; le racisme structurel frappe toujours les corps noirs et ceux des Arabes. La France refuse de changer son logiciel au prétexte que nous vivons dans un pays défenseur des droits, de la liberté et de la fraternité, où le racisme n'est qu'une affaire de discrimination individuelle. Non, en France règne un racisme d'Etat qui infiltre toutes les structures de l'Etat. On peut parler de colonialité du pouvoir dont certains ministres et certains politiques sont les ardents défenseurs, y compris dans la gauche.
La société française, et plus généralement la société internationale, doit assumer la période de ce que fut la catastrophe démographique et métaphysique à partir de 1492 en acceptant et en œuvrant pour que les crimes de génocide, à l'égard des peuples indigènes, et les crimes contre l'humanité commis contre les corps noirs arrachés du continent africain, soient interrogés tant au niveau national qu'international.
Solidaires s'inscrit contre l'instrumentalisation de la mémoire de l'esclavage par un pouvoir dominant et cynique.
Face aux dommages et aux inégalités produits par ce modèle d'exploitation raciste, le temps des Réparations politiques et collectives est venu. Ce modèle a continué d'étendre ses tentacules coloniaux, n'a cessé d'opérer des variations pour affermir le pouvoir de la financiarisation du monde et des Êtres. Les actes mémoriels en font partie.
Les réparations, elles, sont nécessaires pour refonder le sens de l'humanité et de l'altérité et peuvent être le mot d'ordre d'un mouvement international pour renverser l'ordre capitaliste racial.