Intervention de SUD Rail lors du Forum Trafic et Transport
Emmanuelle Bigot pour SUD Rail
Les politiques libérales font des ravages sur les plans humain, écologique et social, En France, la fédération SUD-Rail membre de l’Union syndicale Solidaires, organise syndicalement les travailleuses et travailleurs du rail, afin de mettre en avant, expliquer, partager les enjeux de la transformation sociale telle que nous la revendiquons et apporter nos solutions dans le cadre du syndicalisme de lutte, de classe et de masse.
Si la fédération SUD-Rail est un syndicat des travailleuses et travailleurs du ferroviaire, nous luttons au sein de l’Union syndicale solidaires, entre-autre avec l’Union syndicale transport, avec la fédération des urbains & interurbains ou encore SUD aérien.
Nous avons l’objectif de coordonner les luttes qui existent dans les différentes activités. Nous refusons la concurrence entre les travailleuses et travailleurs du secteur des transports en France.
Les transports constituent un enjeu au cœur de notre projet de société !
Les pouvoirs publics sur plusieurs décennies ont favorisé la route alors qu’une réforme en profondeur de l’ensemble des transports terrestres, fluviaux, routiers et aériens était nécessaire. En 1970, la France comptait moins de 1000 km d’autoroutes pour plus de 11000 km aujourd’hui.
Des choix contre l’environnement, ont été facilités par les directives européennes et les paquets ferroviaires. Les pays membres de l’Union européenne les ont appliquées avec plus ou moins de diligences. L’intérêt des biens communs a été oublié. La mise en concurrence a permis de créer ou d’augmenter les profits pour le marché tout en socialisant les pertes.
Ces 30 dernières années, en France, la route a bénéficié de 351 milliards d’euros d’investissements d’infrastructures, soit 2/3 des dépenses consacrées aux transports. Le train a dû se contenter de 18%.
En Europe, on compte 80 000 kilomètres d'autoroutes. Entre 1995 et 2005, la longueur du réseau autoroutier de l'UE a augmenté de 20 %
Le capitalisme mondial fait payer à la collectivité ses choix dans un contexte où il crée par ailleurs un accroissement des déplacements voyageurs et marchandises avec pour conséquences : bruit, pollution de l'air et des régions fragmentées par ce réseau autoroutier infranchissable.
En matière de pollution atmosphérique associé aux transports, à cause de la consommation d’énergie fossile, les transports représentaient 30% de consommation d’énergie pétrolière en 1973 pour 70 % en 2012 très loin devant l’industrie (8%) et le résidentiel (10,6%).
Dans cette globalité des transports, la part dévolue au train est extrêmement réduite, alors que son coût écologique, qui n’est pas nul, est considérablement plus faible : le train totalise 10% du trafic en consommant 1,7% de l’énergie totale du transport. En France, la voiture est responsable de 82% des déplacements voyageurs contre 8,9% en train ; les poids lourds transportent 84% des marchandises contre 9,5% par le train. Le transport routier totalise 91,7% des émissions de gaz à effet de serre en 2012 contre 0,4% au train.
SUD Rail préconise donc un « partage modal différent » au profit de la voie d’eau, du cabotage maritime et du train dans le cadre d’un grand service public de transport ferroviaire de voyageurs et de marchandises sous la forme d’une entreprise intégrée se déclinant au niveau des Etats européens afin que ces entreprises coopèrent.
L’entreprise intégrée, structuration nécessaire pour l’efficacité des chemins de fer.
Nous prônons un cadre d’autogestion, faisant convergence avec les mouvements sociaux, les collectifs qui expriment cette nécessité d’une autre gestion des énergies, des transports, des services publics en général. La gestion des chemins de fer usagers/travailleur/ses pourra converger dans la revendication de services publics « gratuits » pour l’usager, garantir le droit à voyager sans entrave sur les transports du quotidien, réfléchir au coût pour l’environnement des déplacements liés au tourisme de masse : la France pays de la résidence secondaire n’est pas en reste.
Pour une autogestion des chemins de fer, la fédération SUD-Rail revendique une représentation égale dans les Conseils d’Administration/Conseil de Surveillance des usager-es, des salarié-es. Pour notre fédération, la mise en œuvre de scrutins pour élire les représentant-es d’usager-es est nécessaire ainsi que l’attribution de moyens permettant à ces citoyens élu-es d’assurer leur mandat.
L’organisation sous la forme d’une entreprise intégrée est primordiale pour les chemins de fer, y compris en matière de sécurité de circulation, d’investissements à court et long terme. Lorsque plusieurs entreprises répondent à des appels d’offre, le dumping social est courant. Une entreprise unique au contraire limite la concurrence entre travailleuses et travailleurs et doit permettre un salaire décent, des conditions de travail et une formation professionnelle adaptées à l’industrie ferroviaire.
En Italie, alors même que la libéralisation a multiplié les entreprises ferroviaires, la Convention collective nationale du ferroviaire ne s’applique qu’à l’entreprise nationale publique.
En Allemagne, dans le cadre de l'accord de coalition, le gouvernement s'efforce d'obtenir la séparation entre l’infrastructure DB Netz AG et DB Station&Service AG dès le 1er janvier 2024.
Le réseau Bahn für Alle analyse défavorablement cette évolution d’organisation de la Deutsche Bahn, dans le cadre de la libéralisation et une séparation rendrait plus probables les ventes ultérieures de filiales de la DB dans le trafic local et longue distance. L'auteur de l'étude, Carl Wassmuth écrit « La séparation et la libéralisation sont les moteurs de la privatisation, comme le montrent les exemples des chemins de fer dans d'autres pays ainsi que dans d'autres secteurs. … Si le gouvernement fédéral sépare désormais largement la société d'infrastructure de la DB, tous ceux qui souhaitent investir de l'argent dans les opérateurs ferroviaires seront heureux - sans la dette et l'obligation d'entretenir le réseau ferroviaire, de gros bénéfices peuvent être réalisés sur les itinéraires très fréquentés. Cependant, le trafic ferroviaire dans son ensemble en souffrirait. »
La fédération SUD-Rail partage cette analyse.
Les chemins de fer, un élément central face à la catastrophe écologique.
Face à l’urgence climatique, nous ne pouvons pas abandonner la nécessité d’avoir une politique des transports radicalement nouvelle qui réponde aux besoins des populations, garantisse des conditions sociales correctes aux salariés du secteur des transports et participe au maintien ou à l’instauration d’une qualité de vie satisfaisante, pour cela il faut un financement étatique et peut être même européen pour un autre chemin de fer en Europe.
En France, l’investissement dans les chemins de fer reste insuffisant, les annonces de 35 milliards d’investissements/effacement de dette, effectuées par le gouvernement en 2018 ne sont pas entièrement mis en œuvre, le PDG de la SNCF exprimait en ce mois de juillet la nécessité de 100 milliards d’euros pour répondre et adapter les chemins de fer face à la catastrophe climatique. Pour appuyer sa demande, le PDG Farandou prenait référence au 86 milliards d’investissement dont bénéficient les chemins de fer en Allemagne. Le gouvernement a écarté la proposition d’un revers de main…
En Europe, depuis 1991, les directives européennes sur les chemins de fer et ensuite les « paquets ferroviaires » ont attaqué les entreprises publiques de chemins de fer et le modus vivendi qui permettaient aux entreprises publiques de coopérer ensemble. Les chemins de fer sont plus que tout autre industrie soumis à la géographie : les coûts du chemin de fer ne seront pas les mêmes en montagne qu’en plaine. Seule la coopération et la solidarité entre les compagnies de chemins de fer peut absorber ces différences.
Depuis 1991, toutes les politiques gouvernementales en France, sous couvert « du développement des chemins de fer » ont promu ce libéralisme. Ces choix politiques ont entrainé une diminution du nombre de salarié.es des entreprises de chemins de fer, une régression sociale pour les travailleuses et travailleurs du rail et l’augmentation du nombre de salariés de la sous-traitance.
En France, mais aussi en Espagne cette politique a entrainé une diminution des dessertes et des circulations ferroviaires.
Dans ce cadre-là, en France, le fret ferroviaire a été littéralement détruit par les capitalistes : matériel roulant, personnel, triages et embranchements ont été abandonnés, avec pour effet ou du fait de la désindustrialisation de la France.
Si les cheminotes et cheminots de France ont mené des luttes dans un cadre spécifique aux chemins de fer ou interprofessionnel (comme ce fut le cas pendant un mois et demi contre la nouvelle réforme libérale des retraites déc 2019 – janv 2020), unitaires (avec les autres organisations syndicales) qui ont freiné le libéralisme, elles n’ont pas été suffisantes.
Malgré l’attention que nous avons passé pour partager nos analyses sur la question du transport dans toutes ses composantes, du réaménagement, de l’environnement, du travail à tous les niveaux du territoire pour exiger un changement de logique et des mesures immédiates en matière de réinvestissements et de réembauches massifs, l’appréhension du poids des transports reste toujours trop confidentielle. Nous n’avons jusqu’ici pas réussi à conscientiser et convaincre au-delà du cercle constitué par le mouvement social intéressé par les transports.