Intervention de Solidaires à la journée hommage aux inspecteurs·trices du travail assassiné·es à Saussignac en 2004

Nous sommes ici pour rendre hommage aux deux collègues assassinés il y a 20 ans à Saussignac.

Depuis 20 ans, peu de choses ont changé sinon en pire. On compte avec effroi trop d’agent·es publics victimes assassiné·es dans l’exercice ou du fait de leurs fonctions. On pense avec émotion aux camarades de l’Education nationale, celles et ceux des Finances Publiques.

Alors bien entendu, tous les corps d’agent·es publics sont concernés mais on sait aussi qu’être agent·e d’un corps de contrôle est particulier. On peut penser notamment à l’inspection du travail bien entendu, mais aussi à la DGCCRF, la DGFIP, la DGDDI, l’Office Français pour la Biodiversité…

Et puis bien entendu, au-delà des situations effroyables, il y a les agressions physiques et verbales, les remises en cause perpétuelles lors des contrôles, les menaces pour soi et parfois également pour sa famille.

Les réseaux sociaux amplifient encore les choses avec notamment le cyberharcèlement en meute.

On ne peut que constater deux phénomènes grandissant depuis presque trente ans :

le fonctionnaire bashing qui consiste à dénigrer systématiquement les fonctionnaires et agent·es publics : trop payés, fainéants, toujours absent·es ou qui empêchent les honnêtes gens de travailler.
Ce discours, les dirigeant·es politiques les ont relayés et fait monter dans l’opinion publique souvent sans vergogne. Il est aisé de trouver un coupable tout désigné quand on met en œuvre des politiques néolibérales. Les fonctionnaires coûtent cher au budget et les services publics qui peuvent “rapporter de l’argent” doivent être confiés au privé.

C’est bien entendu le cas encore plus particulier des administrations qui ont des missions de contrôle, celles qui soi-disant entravent l’activité des entreprises selon le dogme libéral.

Ces missions de contrôle sont pour la plupart délégitimées par l’appareil d’Etat en général et par les différents responsables politiques gouvernementaux successifs en particulier.

Il faudrait laisser les entreprises tranquilles, tout est de la faute des administrations et organismes de contrôles.

En conséquence histoire d’affaiblir au plus le pouvoir de nuisance (entre guillemets bien entendu), la plupart des administrations de contrôle ont subi des réformes de leurs missions afin de réduire au strict minimum leur action, voire parfois de les privatiser totalement (et on sait que la privatisation entraîne la fin de la réelle mission de contrôle). Le cas de l’inspection du travail est exemplaire. Réduction de postes, de moyens, de prérogatives, décisions des agents rejetées par la hiérarchie, voire mise au service du patronat : les inspecteurs et inspectrices du travail dénoncent sans relâche le sort qui est réservé à une administration qui est parfois le seul rempart entre des salariés fragilisés et leur employeur.

En parallèle, les gouvernements tentent de transformer le contrôle en audit externe dont bien entendu, les finalités ne sont pas du tout les mêmes.

Protéger les agent·es publics notamment celles et ceux des administrations de contrôle ce n’est pas seulement aider au dépôt de plainte ou prendre un peu en charge quand l'indicible se produit. Protéger c’est aussi et surtout légitimer le travail de contrôle qui est fait par les agent·es. C’est rappeler sans relâche que ces contrôles constituent un service public essentiel pour l’ensemble de la population, que ce soit en matière fiscale, sociale, environnementale, ou de santé publique, et particulièrement en matière de protection des droits des salariés.

Légitimer c’est afficher les missions des administrations en charge des contrôles comme prioritaires, ne pas céder face aux lobbys. Mais c’est aussi donner clairement les moyens matériels et humains de fonctionner et d’exercer les missions.

Les forces de sécurité sont soutenues dans leurs missions budgétairement comme dans la parole politique. Nous sommes loin de pouvoir en dire autant pour les autres secteurs.

Les drames que nous avons vécus ne doivent pas être vains : il nous faut gagner une meilleure protection des agentes et des agents, chantier avorté du gouvernement démissionnaire. Il nous faut gagner un renforcement des services publics partout :. Ce n’est qu’à cette condition que nous lutterons effcicacement contre les conditions qui ont permis Saussignac et pour la protection des agents de contrôle aujourd’hui.