Mieux la connaitre pour mieux la combattre. Schéma de l’extrême droite en France – juin 2024 (14e édition)

DOCUMENT LA HORDE

Voici la 14e édition de notre schéma de l’extrême droite dont nous vous proposons depuis plus de 12 ans maintenant des versions régulièrement actualisées. Dans le contexte actuel, notre schéma va certainement évoluer dans les prochaines semaines : en voici néanmoins une version actualisée, la dernière publiée sur le site ayant plus d’un an maintenant. Vous pouvez en commander une version imprimée sur dans notre espace "matériel".

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LES ÉLECTORALISTES

Pour l’union des droites
Depuis plusieurs années la droite conservatrice se radicalise sur les questions de sécurité, d’immigration et d’identité. L’élection à la tête des Républicains d’Eric Ciotti, qui n’a pas hésité à parler de «  grand remplacement  » a rendu la frontière entre le parti de droite et l’extrême droite de plus en plus floue. À l’occasion de la dissolution de l’assemblée nationale au lendemain des élections européennes de 2024, Ciotti a appelé à s’unir au Rassemblement national pour les élections législatives, provoquant une crise au sein des LR… Le mouvement Reconquête ! d’Eric Zemmour devait incarner ce rassemblement de la droite de la droite. Tous ceux qui en voulaient à Marine Le Pen (comme Jacques Bompard), des militants identitaires comme Damien Rieu ou Philippe Vardon passés par le RN sont venus apporter leur savoir-faire en communication. Une nouvelle génération de droitards a aussi émergé avec Génération Z. Tandis que la conseillière et compagne de Zemmour, Sarah Knafo, prend de plus en plus de place dans l’appareil, Marion Maréchal y a fait son retour comme tête de proue du mouvement pour les élections européennes, avant de finalement trahir Zemmour pour se rapprocher de sa tante Marine Le Pen, emportant avec elle 4 des 5 député·es européen·nes fraîchement élu·es. Les mauvais résultats électoraux de Reconquête ! Aux élections de 2022 et la mégalomanie de Zemmour en ont douché plus d’un, et le mouvement peine à se développer au niveau électoral et militant. Avec le score du mouvement aux élections européennes, les nouvelles élections législatives à venir (surtout que le RN a refusé toute alliance avec lui) vont être déterminants pour son avenir.
D’autres regroupements plus confidentiels existent, comme l’Alliance conservatrice qui regroupe les catholiques de VIA, le CNIP et le Mouvement conservateur issu de Sens commun, une tendance réactionnaire des LR.
« Ni droite ni gauche  »
Fondé en 1972 entre autres par les néofascistes d’Ordre nouveau, le Front National (FN) rassemblait à l’origine tous les courants de l’extrême droite sous l’autorité de Jean-Marie Le Pen. La scission de 1998 a affaibli le parti jusqu’en 2011 où Marine Le Pen a succédé à son père avec la volonté affichée de s’affranchir du folklore nationaliste. Ce « nouveau » FN, renommé en 2018 Rassemblement national a en partie fait le ménage dans ses rangs et renforcé sa ligne «  ni droite ni gauche  » en mettant plus de préoccupations sociales dans son programme. Le RN est ainsi resté (jusqu’à aujourd’hui) sans véritables alliés, mais avec une base électorale solide : Zemmour a permis à Marine Le Pen de se recentrer tout en lui donnant du crédit. Présente au second tour en mai 2017 et 2022, Marine Le Pen a réussi aux législatives de 2022 à envoyer 89 de ses cadres à l’Assemblée nationale, er Bardella a obtenu plus de 31% des suffrages aux européennes de 2024. Préparant sa candidature de 2027, elle a laissé la présidence à l’ambitieux Jordan Bardella au détriment de certains de ses plus fidèles soutiens, comme Steeve Briois, créant une fracture au sein du RN. Mais depuis le résultat historique des élections européennes pour lesquelles Bardella était tête de liste, tout le monde semble rentrer dans le rang dans la perspective de gouverner enfin.
En revanche, l’avenir semble bien bouché pour les souverainistes qui refusent l’étiquette « de droite » comme l’UPR ou Les Patriotes de Philippot, qui n’existent plus que dans les milieux complotistes et dont l’activité se concentre sur les réseaux sociaux.

LES RÉACTIONNAIRES

Au-delà des partis favorables à l’union des droites, le mouvement conservateur est aussi représenté par des personnalités politiques de la droite «   hors les murs   », comme Philippe de Villiers, et par de petites structures souvent issus des Républicains, comme Sens commun devenu le Mouvement conservateur (aujourd’hui absorbé par Reconquête) ou l’Avant-Garde de Charles Millon, qui a beaucoup fait pour la création de l’ISSEP, une école pour former les cadres conservateurs de demain, qui a puisé son inspiration dans une autre structure de formation conservatrice, l’Institut de Formation politique (IFP).
Mais la guerre culturelle est surtout menée par des sites (comme Boulevard Voltaire) ou des revues, comme Livre Noir (qui change de nom pour devenir Frontières) ou L’Incorrect, qui entendent prendre leur revanche sur l’hégémonie supposée de la gauche dans ce domaine, et saturer l’espace public de leurs obsessions patriarcales, islamophobes, et nationalistes. Tous sont pour l’essentiel derrière Zemmour, même si la confiance dans les capacités de ce dernier à rassembler s’est très largement effritée.
Du côté des organisations de jeunesse, Zemmour peut en tout cas compter sur le soutien sans faille de la Cocarde étudiante, un syndicat dont les militants n’hésitent pas à faire le coup de poing, et de l’Action française (cf. infra). Une structure féminine a vu le jour, le collectif Nemesis qui, sous couvert de «  féminisme de droite  », défend en réalité le modèle patriarcal.
Soutenu par la droite catholique, la Manif pour Tous avait organisé en 2012-2013 des manifestations massives contre le mariage homosexuel. En 2023, ce collectif est devenu le Syndicat de la Famille : son vice-président Albéric Dumont est chargé de la sécurité de Zemmour.
Les nationaux-catholiques
Les réseaux catholiques tradis sont denses car ils peuvent s’appuyer sur certaines paroisses et ils disposent de nombreux médias (Présent, passé de quotidien à hebdomadaire, ou Radio Courtoisie), de maisons d’édition comme les éditions du Chiré et de sites internet, comme le Salon beige ou Media Presse Info. Avec comme mot d’ordre « Dieu, Famille, Patrie », Civitas devenu depuis sa dissolution Civitas international était un parti politique voulant imposer sa foi à toute la société, à travers un discours ouvertement islamophobe et plus discrètement antisémite.
L’Agrif lutte elle contre la « christianophobie » et le « racisme anti-blanc », porte plainte et se constitue partie civile dans des procès. La lutte anti-IVG est l’un des combats historiques des cathos tradis : les Marches pour la Vie rassemblent chaque année plusieurs milliers de gens et la Fondation Lejeune, depuis 1996, associe recherches scientifiques sur les maladies génétiques et engagement militant contre l’avortement. Academia Christiana, fondée en 2013, est une structure de formation animée par Victor Aubert. Son réseau est assez étendu et a tendance à grossir : il va de mouvements traditionalistes (comme la Fraternité Saint-Pie-X) jusqu’aux activistes identitaires, en passant par la Nouvelle Droite. Une autre structure, Ichtus, assure également des formations.

LES MÉDIAS

Des médias nationalistes locaux comme Breizh Info ou Infos Bordeaux tentent de faire passer leur propagande pour de l’information. Plus professionnel TV Libertés propose une grille de programmes assez diversifiée. D’autres se reposent sur les réseaux sociaux, en mettant en pratique le concept de réinformation forgé par le think tank Polémia, créé par Jean-Yves Le Gallou, proche des Identitaires et ancien du GRECE. D’autres, comme Vincent Lapierre se déclare indépendant, alors que Le Média pour Tous a toujours été au service de l’extrême droite.
Ce sont aussi des médias mainstream qui servent de relais à leur propagande, sous l’impulsion de leur propriétaire comme le milliardaire catholique Vincent Bolloré avec Cnews, ou à l’initiative d’animateurs, comme André Bercoff de Sud Radio.
D’autres rêvent d’associer la diffusion de leur propagande à de l’activisme sans y parvenir, faute de militants. C’est le cas de l’islamophobe Riposte laïque ou de l’antisémite Égalité & Réconciliation qui n’est plus désormais que le fan-club de son fondateur Alain Soral. Les négationnistes comme Vincent Reynouardou Hervé Ryssen, condamnés à plusieurs reprises, peuvent en tout cas remercier E&R qui a contribué à populariser leurs thèses délirantes. Dans le sillage de Soral, avec lequel tous sont fâchés ou presque, des individus se sont fait un nom à travers des vidéos en affichant leur amour du nazisme comme Daniel Conversano.
Antiféministes, transphobes et masculinistes
Nombre d’influenceuses·eurs d’extrême droite, comme Papacito, l’abbé Raffray, ou l’ex-FNJ Julien Rochedy, Thaïs d’Escufon, ex-égérie de Génération identitaire, ou Alice Cordier, du collectif Nemesis, se spécialisent dans les discours antiféministes et masculinistes, par le biais de l’humour ou du coaching personnel, business oblige. La transphobie obsessionnelle des médias et personnalités réacs permet des rapprochements avec des femmes terfs (des « féministes » pour qui les femmes trans sont des hommes) comme Marguerite Stern ou Dora Moutot.
La Nouvelle Droite
Pour réhabiliter sa vision inégalitaire du monde, l’extrême droite devait lutter sur le terrain des idées. Depuis les années 1970, deux groupes de réflexion, le Groupement de Recherche et d’Étude pour la Civilisation Européenne (GRECE), inactif aujourd’hui, et le Carrefour de l’Horloge y travaillent, donnant naissance à ce que les observateurs ont appelé la Nouvelle Droite. Alain de Benoist en est le principal représentant : il n’est d’aucune chapelle, ce qui lui permet, à travers la revue Éléments, de brouiller les cartes. La Nouvelle Droite dispose aussi d’un outil de formation, l’institut Illiade, qui organise des conférences et des cycles de formation sur «  le grand effacement  », les «  pensées non-conformes  » ou la défense de la civilisation européenne.

LES ACTIVISTES

L’Action française (AF) est le plus vieux mouvement nationaliste en activité. Royaliste, historiquement école de formation, l’AF organise des colloques mais aussi des actions de rue. Une énième scission en 2018 a éloigné les anciens restés fidèles à l’antisémitisme historique et à la nostalgie vichyste. L’AF d’aujourd’hui se réfère toujours à Maurras, mais en concentrant ses attaques contre les musulmans et en essayant d’être moderne.
Les Identitaires ont tenté depuis leur création en 2002 de se démarquer de l’extrême droite traditionnelle, en misant tout sur la communication. Sa structure jeune, Génération identitaire (GI), a pris son autonomie en 2012, puis a été dissoute en 2021 alors qu’elle était déjà en perte de vitesse. Des locaux identitaires restent ouverts, comme à Lyon (La traboule) ou à Rouen (Le Mora), mais les différentes tentatives locales (les Normaux, les Natifs) ou nationale (Argos) de relancer la machine identitaires ont pour l’instant fait long feu.
Fondé en 2009 par Carl Lang, ancien n°2 du FN, et aujourd’hui présidé par Thomas Joly, le Parti de la France cherche à faire de l’agitation, tout en se présentant parfois à des élections, avec des résultats insignifiants. Nostalgique du FN des années 1980, le parti se veut proche de Jean-Marie Le Pen, président du FN pendant 40 ans, et depuis 2015 exclu du parti par sa propre fille.
Les groupes locaux
Des groupes implantés localement se revendiquent «  identitaires  » ou «  enracinés  » sans être affiliés à une organisation précise. Certains se posent en héritiers du GUD (mouvement étudiant nationaliste-révolutionnaire), mais la plupart sont en réalité de simples bandes affinitaires. Il se retrouve chaque année lors de la manifestation du Comité du 9 mai ou au sein des Active Clubs, qui organisent des entraînements au combat de rue.
Ils reçoivent à l’occasion le renfort de hooligans venus du stade et n’ont pas vraiment d’expression politique en dehors de leurs attaques contre des militant·es de gauche et la publication d’images néonazies sur le canal Ouest Casual. Pour essayer de suivre cette nouvelle tendance des groupuscules, nous avons réalisé une carte de France de l’extrême droite téléchargeable sur notre site.
D’autres groupuscules tout aussi confidentiels se revendiquent ouvertement du fascisme historique. C’est le cas des Nationalistes (ex-PNF) qui s’inscrivent dans la continuité de l’Œuvre française dissoute en 2013. Proche d’eux, un collectif de soutien aux nationalistes et aux négationnistes emprisonnés, le CLAN, est animé par l’avocat Pierre-Marie Bonneau.
Les skins néonazis n’ont plus d’organisation les fédérant depuis la dissolution de 3e Voie de Serge Ayoubqui n’a plus d’activité militante apparente.

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