Le président de la République, Emmanuel Macron, s’est adressé à la population le 5 mars. Il a annoncé d’importantes dépenses de défense, proclamé que la France était menacée par la Russie et invité les forces politiques, économiques et syndicales du pays à faire des propositions. Il a ainsi joué la petite musique du sacrifice que devrait faire chacun·e pour contribuer au financement de la défense tout en indiquant ne pas augmenter les impôts. Les riches ne seront donc pas mis à contribution. La question de la provenance des milliards d’euros investis dans l’armement se pose donc. Les réformes des dernières années ne peuvent inspirer que la crainte. Les économies se sont systématiquement faites sur le dos des travailleurs et des travailleuses par la destruction des acquis sociaux et de notre modèle de protection sociale ou de nos services publics. Les industriels voient d’un très bon œil ces annonces qui sont la perspective d’un enrichissement faramineux. Ce n’est pas nouveau, pour les grands patrons, lorsque la croissance ralentit, rien de tel qu’une bonne guerre en perspective pour relancer la production ! Sans compter que le marché est juteux : lorsqu’un obus a explosé, il faut en racheter un autre.
L’Ukraine a le droit de se défendre !
Tous les peuples, qu’ils soient de Palestine, de Kanaky ou Sahraoui ont le droit de disposer d’eux même, principe issu du droit international . Il en est de même pour les Ukrainiens et Ukrainiennes qui subissent depuis 2014 une agression de la part de la Russie. Depuis le début de la guerre, toutes les organisations syndicales françaises se sont mobilisées ensemble pour apporter de l’aide à la population en détresse, en coordination notamment avec les deux organisations syndicales ukrainiennes, la FPU et la KPVU, affiliées à la Confédération syndicale internationale (CSI). L’Union syndicale Solidaires a pris part à plusieurs convois de solidarité organisés par l’intersyndicale française pour certaines et par le Réseau syndical international de solidarité et de lutte (RSISL) dont nous sommes membres pour d’autres.
Solidaires avec la population ukrainienne
L’Union syndicale Solidaires construit la solidarité avec les travailleurs et travailleuses d’Ukraine et leurs organisations syndicales. Le soutien à l’Ukraine n’est pas un soutien au gouvernement ukrainien qui a d’ailleurs profité de l’état de guerre et de la loi martiale qui interdit les grèves et les manifestations pour prendre des mesures anti-sociales et réformer le code du Travail. Nous savons que les classes populaires sont les premières victimes de la guerre. En Russie les soldats envoyés à la mort sont recrutés parmi les minorités de la fédération de Russie plutôt que dans les bourgeoisies moscovites et pétersbourgeoises. En Ukraine ce sont les travailleurs, et leurs organisations syndicales, qui se sont massivement mobilisés pour défendre leur pays et leurs acquis sociaux, même si beaucoup sont amers de voir que ce sont eux qui paient le prix du sang, les enfants de l’oligarchie échappant le plus souvent à la mobilisation.
Il faut empêcher la défaite de l’Ukraine
La guerre est une horreur qu’il convient d’éviter à tout prix. Si les deux camps rechignent à communiquer sur leurs pertes, des estimations de 1 million de victimes (mortes ou blessées) circulent. Et les frappes aériennes aveugles n’épargnent pas les civil·es.
Si l’Union syndicale Solidaires s’inscrit dans la tradition pacifiste du mouvement ouvrier, nous sommes conscient·es qu’une paix juste et durable ne peut se construire sur une capitulation de l’Ukraine. La Russie mène une politique expansionniste. Son annexion de pans entiers du territoire géorgien à la faveur d’une offensive militaire en 2008 le prouve. Elle constitue une menace pour la sécurité et la souveraineté des anciens pays de l’URSS, Vladimir Poutine ne cachant pas son objectif de rétablir l’influence de la Fédération de Russie sur l’ensemble de cette zone au moins. Le virage pris par Trump met l’Europe face à ses responsabilités.
Nous aurions pu échapper à l’alliance entre Trump et Poutine, si la résistance populaire ukrainienne avait été suffisamment soutenue depuis trois ans, pour expulser les troupes russes de toute l’Ukraine. Une défaite de Poutine dans sa guerre d’annexion aurait contribué à affaiblir, voire abattre, son régime. Mais si les annonces gouvernementales et politiciennes se sont succédées, la réalité du soutien est demeurée en deçà des besoins ukrainiens.
Trump est-il un irrationnel impulsif?
Annexer le Groenland ou renommer le golf du Mexique peuvent paraître des lubies excentriques. Pourtant, il ne faut pas y voir de hasard. Le sous-sol du Groenland regorge de ressources minières tandis que le Golf du Mexique constitue un important gisement d’hydrocarbure. Tout comme les USA lorgnent sur les métaux du sous-sol ukrainien, ce sont bien les ressources qui les intéressent.
Ce à quoi nous assistons c’est l’accélération d’une lutte pour le contrôle des ressources dans un monde en crise dans lequel la demande s’accroît de façon exponentielle. Ainsi, plutôt que de s’engager pour un changement de modèle productif, les États-Unis se positionnent pour prendre le contrôle d’un maximum de ressources.
Il faut voir la situation à cette aune : les milliards engagés en dépenses militaires sont autant qui ne sont pas investis dans la bifurcation écologique mais dans des produits extrêmement polluants. Pourtant, notre sécurité collective passe avant tout par préserver une planète habitable.
Pour une souveraineté industrielle et des mesures de justice sociale
Si nous sommes pour donner les moyens à l’Ukraine de se défendre, nous mettons en garde contre une course folle à l’armement :
Quand on a des armes, on est tenté de s’en servir. La responsabilité de la France comme de l’Europe est de tout faire pour empêcher une escalade dramatique, sans pour autant renvoyer dos à dos l'agresseur et l’agressé.
Alors que des régimes d’extrême droite arrivent au pouvoir dans de plus en plus de pays d’Europe (Belgique, Italie, Hongrie…) il est irresponsable de prendre ce risque. D’autant plus que Meloni ou Orbán ont manifesté des sympathies pour le régime de Vladimir Poutine… sans parler de Donald Trump qui inspire ouvertement les extrêmes droites européennes tandis qu’Elon Musk mène campagne en leur faveur.
Fournir des munitions aux troupes ukrainiennes ne doit pas conduire à se les procurer auprès de l’industrie d’armement des Etats-Unis, qui abandonnent aujourd’hui l’Ukraine.
Pour Solidaires, il ne doit pas y avoir de profits privés sur des dépenses publiques. L’industrie de l’armement doit faire l’objet d’un débat sur son contrôle démocratique et l’affectation de ses profits. C’est une question de justice sociale mais aussi de souveraineté et de contrôle démocratique. Les États-Unis ont montré qu’ils pouvaient rendre inutilisables des armements déjà fournis à l’Ukraine. Une défense crédible doit être souveraine. Cela passe par la sortie de l’OTAN et l’arrêt immédiat des licenciements et fermetures d'usines dans des secteurs stratégiques. C’est une question de cohérence.
Avant de s’armer, il faut utiliser tous les leviers à notre disposition. L’argent est souvent une arme bien plus puissante que les canons. Avant de s’engager dans des logiques bellicistes, il convient de mobiliser tous les leviers à notre disposition. Aujourd’hui, les sanctions contre la Russie ne sont pas au maximum de ce que pourraient faire le gouvernement puisqu’aujourd’hui :
- du gaz russe arrive dans les terminaux méthaniers français ;
- des entreprises françaises continuent d’opérer en Russie ;
- nous refusons de toucher aux centaines de milliards d’avoir russes gelés en Europe.
Financer et imposer la décarbonation de notre économie serait par ailleurs le meilleur moyen de réduire notre dépendance aux énergies fossiles, principaux vecteurs commerciaux russes.
Frapper la Russie au portefeuille est sans doute le moyen le plus efficace de la faire renoncer à sa guerre d’agression contre l’Ukraine. Cela permet également de financer la défense de l’Ukraine Au-delà, tout effort financier ne peut que reposer sur une contribution des entreprises qui profitent de la situation. Car si nous ne touchons plus les dividendes de la paix, certains comptent bien profiter des dividendes de la guerre. La voracité des États-Unis qui tentent de forcer la main aux Ukrainien·nes pour pouvoir exploiter les métaux en est une des illustrations.