Après l’illusion d’un minimum de 1 200 euros pour l’ensemble des retraité·e·s, un argument désormais totalement discrédité, qu’en est-il de la retraite anticipée à partir de 55 ans pour celles et ceux confronté·e·s à un handicap ?
L’article 8 du projet de loi annonce, dans ses motifs, « assouplir les conditions d’accès à la retraite anticipée des travailleurs handicapés en abaissant le taux d’incapacité de 80 à 50 % nécessaire… et en supprimant les conditions de trimestres validés pour ne garder que celles se rapportant aux trimestres cotisés ». Or, un coup de rétroviseur sur la réalité de cet accès anticipé suffit hélas à craindre, au contraire, une nouvelle dégradation de la fin de carrière, par suite du recul imposé à 64 ans et avec 43 annuités.
Aujourd’hui, entre 2000 et 3000 retraité·e·s en situation de handicap accèdent à ce dispositif de départ anticipé à 55 ans, introduit in-extremis dans la loi Fillon de 2003. C’est vraiment très peu, et on comprend pourquoi au vu des conditions requises pour “profiter” de ce départ possible à 55 ans à taux plein sont extrêmement restrictives :
- Cotiser 130 trimestres d’assurance, soit 30 ans, ce qui sous-entend une entrée dans la vie professionnelle à 25 ans, sans interruptions durant la carrière. Or l’accès à l’emploi des personnes en situation de handicap est bien plus difficile, et les carrières souvent hachées,
- Un nombre « plancher » de 110 trimestres est également fixé,
- Durant l’ensemble de ces périodes cotisées, il faut pouvoir justifier d’un taux d’incapacité permanente d’au moins 50 %.
Cela signifie qu’à l’exception des personnes nées avec un handicap et ayant pu accéder tôt à un emploi, sans interruption, ce départ anticipé reste inaccessible.
Pour les personnes ne remplissant pas les critères permettant un départ anticipé, l'âge de départ à taux plein est gracieusement décalé de 64 à 62 ans. Problème supplémentaire : entre 50 et 62 ans, les travailleuses et travailleurs handicapé·e·s ne travaillent que 4 ans en moyenne. Les travailleuses et travailleurs handicapé·e·s vont donc passer plusieurs années sans emplois ni retraite, vivant, dans le meilleur des cas, de l’AAH, du RSA, ou sur les revenus de leurs conjoint·e·s.
Dans la réalité, la grande majorité (55 000) travailleuses et travailleurs handicapé·es terminent leur carrière parmi les 105 000 “bénéficiaires” (sic !) recensé·es chaque année dans le dispositif d’inaptitude. 1 salarié·e sur 6 est donc poussé·e à la retraite par ce dispositif d’inaptitude ! Ces futur·es retraité·e·s partent avec un taux de liquidation de 50 %, jusqu’à ce qu’ils·elles atteignent l’âge légal de départ à la retraite pour bénéficier d’un dispositif dérogatoire qui leur permettrait de toucher une retraite à taux plein à 64 ou 65 ans.
Au contraire de l’allongement de l’âge légal de départ à la retraite et du nombre d’annuités souhaité par ce gouvernement, et afin d’assurer une bonne retraite à chacun·e, Solidaires exige la mise en œuvre d’une réelle compensation liée aux handicaps, avec l’amélioration significative des carrières et des conditions de travail. C’est aussi la meilleure réponse à donner aux travailleuses et travailleurs usé·es par la pénibilité de leurs emplois.
Avec cette réforme, comme sur tous les aspects sociaux sur lesquels travaille le gouvernement, les personnes en situation de handicap restent de grandes oubliées contrairement aux annonces électorales de M. Macron : pénalisées dans l’accès à l’éducation et la formation professionnelle, touchées par un taux de chômage de 14 %, freinées dans leurs carrières, ayant une espérance de vie de 5 ans inférieure à la moyenne de la population, et subissant une fatigabilité plus élevée.
L’aspect comptable qui dicte la politique gouvernementale se fait, une fois de plus, au détriment de l’aspect humain.