Faire face à la multiplication des plans de licenciements, anticipons l’avenir !

L’argumentaire en vidéo et en version courte est à retrouver sur le site de Solidaires ici.

Auchan, Casino, Michelin, Valeo, Stellantis, Bosch, ExxonMobil, Adrexo-Milee, Lecas, Don’t Nod… : les plans de licenciements se multiplient.

Ce sont peut-être 300 000 emplois directs et indirects qui pourraient disparaître.

Pour Solidaires, il n’y a pas de fatalité. Nous portons une série de revendications :

I Les Revendications de Solidaires

Première série de revendications : le remboursement des aides publiques

Des milliards d'euros d'aides publiques sont versés chaque année aux entreprises sans aucune contrepartie.

L'Union syndicale Solidaires exige le remboursement des aides publiques versées et des exonérations, ainsi que le reversement du montant des dividendes aux salarié·es licencié·es, lors de fermetures d’usines.

Plus généralement, nous exigeons le suivi et le contrôle de toutes les aides publiques accordées aux entreprises.

Deuxième série de revendications : l’interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des bénéfices

Michelin : 1,98 milliard de bénéfices net en 2023.

Valeo : 221 millions d'euros de bénéfices net en 2023.

ExxonMobil : 9,1 milliards de dollars de bénéfice net en 2023.

Pourtant ces 3 entreprises prévoient de licencier des milliers de salarié·es pour délocaliser et faire encore plus de bénéfices net.

L'Union syndicale Solidaires revendique :

🔸 L'interdiction des licenciements dans les entreprises qui font des bénéfices ou qui organisent frauduleusement leurs pertes.

🔸La redéfinition des critères permettant de caractériser la notion de « difficultés économiques » des entreprises à travers une série d’indicateurs concrets : chiffre d’affaires, dividendes versés, bénéfices, gestion de l’emploi…

🔸L’interdiction de tout licenciement dans une entreprise dont le temps de travail effectif dépasse la durée légale de travail, c’est-à-dire 35 heures.

🔸 L'obligation, si une entreprise est organisée de manière complexe, de remonter au niveau du groupe économique pour étudier un déficit.

Troisième série de revendications : le droit de veto des CSE sur les plans de licenciements

L'Union syndicale Solidaires réclame des droits nouveaux pour les salarié·es, dont le droit de veto suspensif dans les CSE sur les réorganisations, les licenciements, les suppressions et les délocalisations d’emplois.

2 . Les rapports entre écologie et emploi, entre écologie et travail

Face aux multiplications des plans de licenciements, il est évidemment primordial de défendre pas à pas les salarié∙es, d’empêcher dans la mesure du possible les licenciements et de négocier les conditions de primes et de reclassements au mieux si ce n’est pas possible. Cette démarche n’est en rien contradictoire avec la nécessaire anticipation des modifications des emplois qui seront imposés ou rendus nécessaires par la crise environnementale.

Il est évident que les fermetures de sites sont en lien direct avec la soif de profit des multinationales. Mais il pourrait y avoir d’autres causes à l’avenir comme l'absolue nécessité de la reconversion écologique.

Avec d’autres organisations du mouvement social, nous avons démontré qu’on ne pouvait pas opposer emploi et reconversion écologique, parce que la reconversion écologique de l’économie sera créatrice d’emplois.

Deux rapports, auxquels Solidaires a participé, développent cette expertise :

  1. En 2017, la plateforme « Emplois-climat », qui réunissait organisations syndicales (dont FSU et Solidaires), environnementales, sociales et d'éducation populaire a publié le rapport : « Un million d'emplois pour le climat ».

La reconversion écologique de la société pourrait détruire 500 000 emplois, mais en créer 1,5 million, avec un gain en définitive d'1 million d'emplois. Des emplois que nous voulons stables, correctement rémunérés, qui redonnent sens au travail. Par exemple dans le secteur de la rénovation énergétique, dans les énergies renouvelables, dans la réparation et le recyclage, dans l'agriculture paysanne, dans le transport, dans les services publics, dans la recherche…

  1. L’Alliance écologique et sociale (AES, ex-collectif Plus Jamais ça !), qui réunit organisations syndicales, sociales et environnementales depuis 2020 et dont Solidaires est membre fondateur, a publié en mai 2021, un rapport intitulé « Pas d'emplois sur une planète morte ».

Cependant, ce discours n’est pas suffisant par rapport à la réalité et la détresse que vivront les salarié∙es dont les emplois seront détruits. Parce que les créations d'emploi ne mobilisent pas forcément les mêmes compétences, donc les mêmes personnes. Et qu'au-delà de la peur de la perte d'emploi, il y a aussi la peur du déclassement, c'est-à-dire, même en bénéficiant d'une formation, d'avoir accès à des emplois moins avantageux.

Dans certains secteurs stratégiques (dockers, raffineurs...), les salarié∙es ont obtenu des contreparties importantes, notamment en termes de salaires, contreparties aux risques de leur activité sur leur santé. Ils les ont aussi obtenu en raison de leur capacité de blocage de l'économie. Ils ont un statut, une respectabilité, une identité de corps, un pouvoir dans la société. En Seine-Maritime, là où ExxonMobil s’apprête à supprimer plus de 600 emplois dans le plastique, on met en avant l'industrie verte comme créatrice de nouveaux emplois. Dans le même temps, le projet alternatif des salarié∙es, autour de la production de plastique recyclé, n’est pas pris en compte par l’entreprise ni par le gouvernement. Or il n'existe pas dans ladite industrie verte de conventions collectives aussi protectrices que, par exemple, la convention de l’industrie du pétrole. Si l'on promet à des raffineurs de Total qu'ils deviendront réparateurs de vélo, on ne va pas les embarquer dans notre combat. Ce sont les entreprises qui doivent se reconvertir, pas les emplois, pas les personnes.

La crise actuelle est-elle le résultat de la transition écologique ?

Certaines fermetures d’entreprises sont l’effet de politique menées au nom de l’environnement. Aujourd’hui les mesures dites de “transition écologique” se font sans aucun accompagnement des salarié∙es qui restent sur le carreau. La liquidation de Milee, ex-Adrexo, la société de distribution des prospectus, entraîne ainsi 10 000 licenciements. Ce sont des suppressions d’emplois qui étaient entièrement anticipables avec les mesures mises en place par la loi Climat et Résilience (2021) sur cette distribution, et pourtant rien n’a été prévu pour eux. Cependant, ce n’est pas la protection de l’environnement le problème : c’est l’Etat qui n’assume pas les conséquences de ses décisions et veut mener une transition qui ne change rien à la loi du profit.

Dans d’autres cas, on est face à du greenwashing pur et simple. Il est certain que Michelin, ExxonMobil, Valeo ne vont pas diminuer leur production mais les délocaliser dans d’autres pays, avec une prime au moins-disant social et environnemental.

La crise de l’industrie automobile n’est pas l’effet de la transition écologique, c’est même le contraire. 100 000 emplois ont été détruits dans l’automobile ces 10 dernières années. C’est le résultat du choix des constructeurs d’orienter la production vers le marché premium, qui à court terme est plus rentable parce que les marges sont plus importantes. Aujourd’hui, un véhicule neuf sur deux vendu est un SUV. C’est un non-sens écologique, puisque même les SUV hybrides surconsomment de l’énergie du fait de leur poids. Cela entraîne une tendance lourde à la hausse des prix, qui rend le marché de la voiture neuve inaccessible à part pour les entreprises et les plus fortuné∙es. La conséquence sur l’emploi, c’est qu’il y a une baisse des volumes produits, tout en dégageant plus de profits, avec des effets sur l’industrie de l’automobile, du caoutchouc, les équipementiers, les sous-traitants…

Nos propositions : vers un nouveau statut du salarié∙e

Une rupture sociale et écologique ne peut se faire sur le dos des travailleurs et travailleuses. C’est vrai de l’emploi, ça l’est aussi des conditions de travail. Toutes les fois où la “transition” sera synonyme de dégradation des conditions de travail sans contrepartie en termes de rémunération, de temps de travail, de hausse des effectifs, de partage du travail et des richesses, les salarié∙es se détourneront du combat pour l’environnement.

Nous devons imaginer, revendiquer et conquérir un nouveau statut du salarié∙e de la transition écologique, qui assure non seulement la formation mais aussi le maintien des conquis sociaux entre 2 emplois et d’un emploi à l’autre.

Cette mobilisation pour de nouveaux droits peut pour Solidaires se construire de manière unitaire, avec d’autres syndicats ayant de revendications proches, avec les organisations de l’Alliance écologique et sociale.

Une véritable rupture écologique doit impérativement être un moment de conquête de nouveaux droits qui la rendent possible et désirable, à la hauteur de ce qu'ont été les lois Auroux, ou même la création de la Sécurité sociale.

Il faut de nouveaux droits des travailleurs et travailleuses, et des instances de représentation du personnel (CSE notamment), en matière d'orientation de la production, de choix technologiques, de reconversion des entreprises.

La revendication du nouveau statut du salarié∙e, qu'est-ce que c'est ?

C'est un socle revendicatif à moyen terme. Il consiste à attacher les droits (en créant de nouveaux droits) non plus au contrat de travail, mais au salarié∙e. Des droits transférables et opposables à l'employeur d'un emploi à l'autre.

Le nouveau statut du salarié∙e repose sur 4 principes :

  1. La continuité du socle contractuel, c’est-à-dire le maintien et la transférabilité des rémunérations et conquis sociaux entre 2 emplois et d’un emploi à l’autre (déconnexion des droits du ou de la salarié∙e de l’emploi occupé) ;
  2. Le droit à la formation ;
  3. L’obligation de résultat du reclassement des salarié∙es dans des emplois équivalents, sans déclassement ni précarisation ;
  4. Un fonds patronal mutualisé pour garantir ces droits.

Quels droits doivent entrer dans ce nouveau statut ?

  • Le droit au salaire et à sa progression ;
  • Le droit à la retraite, à la Sécurité sociale ;
  • Le droit à la formation, à la reconversion ;
  • Des droits nouveaux d’intervention pour les salarié∙es dans les choix stratégiques de gestion des entreprises, indispensables pour peser sur les plans de licenciements comme sur les choix de production, donc sur la reconversion de l'économie.

Pour imposer un autre avenir pour les licencié∙es, et nos enfants, conquérir des droits, un réel partage des richesses, au profit des salarié∙es, et de toute la population, il faudra un rapport de force.

C’est par les luttes sectorielles, la convergence de nos luttes au niveau interprofessionnel que l’on pourra y parvenir ! Construisons dès à présent un autre avenir ! Solidaires travaille à une riposte unitaire la plus large possible