Jusqu’à présent un arrêt maladie ou un accident non professionnel ne génèrait pas de congés payés (L.3141-5 5° Code du travail). Or la Cour de Justice de l’Union Européenne (CJUE 24/01/2012 aff. 282-10) a jugé ces dispositions non conformes au droit européen (directive 2003/88/CE du 04/11/2003). Le salarié peut prétendre à ses droits à CP au titre de la totalité de ces périodes d’absence, ce que finit par juger la Cour de cassation écartant les dispositions du code du travail français et obligeant le gouvernement à le réformer pour se conformer au droit européen.
Alors qu’elle avait été votée dès 2003, le gouvernement se borne à mettre en place cette directive dans une version minimaliste plus de deux décennies plus tard alors qu’elle aurait du l’être dès 2009.Il est rappelé que l’acquisition de 2,5 jours ouvrables par mois, sans excéder 30 jours par an, au titre des CP est une disposition d’ordre public (L.3141-3 CT). Adoptée sous le Front populaire en 1936, les CP s’appliquent alors à tous les salariés, comme aux fonctionnaires qui en bénéficiaient dès 1853. Des 2 semaines, ils passent à 3 en1956, à 4 en 1965 et à 5 en 1982. Il est rappelé que l’arrêt maladie n’est pas du temps de repos et qu’il a pour finalité de se remettre d’un problème de santé.
Ainsi jusqu’à un récent revirement de jurisprudence de la Cour de Cassation, les périodes d’arrêts maladie, à l’exception de ceux liés à des raisons professionnelles et dans certaines conditions, n’ouvraient pas droit à congés payés comme dans d’autres pays européens. Solidaires avec FO et la CGT avait d’ailleurs obtenu la condamnation de l’État français pour défaut de transposition de cette directive en droit français. Et alors que la Cour de Cassation avait elle même alerté l’État sur ce point, elle a donc pris la responsabilité d’écarter la régle nationale au profit du droit européen le 23 septembre dernier. Depuis de nombreuses procédures ont été intentées, obligeant le gouvernement à sortir du bois. Ce qu’il fit…. Mais à minima !
Pour ne pas déplaire au patronat lequel a comme toujours sorti l’argument financier et comparatif, le gouvernement aura accompli tout juste le service minimum en créant au passage de nouvelles discriminations. En effet, dans le cadre d’un amendement à un projet de loi portant transposition en droit national de dispositions communautaires, il a prévu entre autres que l’acquisition de congés payés qui est normalement de 5 semaines (soit 2,5 jours par mois) pour tout-e salarié-e sera limitée à 4 semaines (2 jours par mois) pour ceux en position d’arrêt de travail pour maladie non professionnelle. Elle est en revanche de 5 semaines en cas d’arrêt de travail pour maladie d’origine professionnelle. Quid de ceux en longue maladie qui sont en plus discriminés dans leur prise de congés ! Par ailleurs, une fois le salarié de retour en situation de travail informé (l’employeur doit le faire sous 10 jours post reprise), il y a obligation de prendre ces congés dans les 15 mois suivants leur notification.
De plus, le dispositif est rétroactif mais très encadré. Une fois la loi entrée en vigueur, les salarié-es encore dans l’entreprise concernée disposeront de deux ans pour faire valoir leurs droits vis-à-vis de congés payés acquis pendant des arrêts maladie intervenus après le 1er décembre 2009. Les salarié-es ayant quitté l’entreprise pourront réclamer les sommes correspondant aux congés payés acquis dans une limite de trois années à partir de la date de rupture du contrat, soit 12 semaines de congés maximum, quand bien même ils et elles auraient été arrêtés le double !
L’amendement a été adopté le 18 mars par l’Assemblée nationale et la loi publiée le 22 avril dernier (2024-364). Même si c’est une avancée, la France est très en retard et traduit le droit à congés payés en arrêt maladie en instaurant de nouvelles discriminations sur lesquelles il faudra agir. Pour le gouvernement le but était d’éviter une fronde patronale, le pari est réussi, tout cela pour faire 800 millions d’euros d’économie sur le dos des travailleurs-ses. Il aura aussi rendu le dispositif complexe et donc source de jurisprudence, retardant encore la prise de ce droit fondamental par les salarié-es. Le combat continue !