La loi Kasbarian-Bergé, outre la criminalisation des locataires en difficulté et des sans-logis, crée un risque pour nos luttes syndicales
À l’ombre de la réforme des retraites, la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite (dite loi Kasbarian-Bergé) a été voté. Elle criminalise les locataires en difficulté, les sans-logis obligé-es de squatter pour se protéger de la violence de la rue et porte atteinte au droit de grève.
Sous prétexte de cas médiatiques de squatteurs de résidences secondaires de retraité-es sur la Côte d’Azur, le groupe Renaissance avec le soutien du gouvernement en a profité pour stigmatiser les sans-logis qui occupent des lieux d’habitation vides ou même des locaux poubelles.
Au passage, elle s’en prend donc également au droit de grève en criminalisant l’occupation illégale de locaux « économiques ». Elle vise ainsi expressément les locaux occupés à l’occasion notamment de piquets de grévistes car elle crée un article 315-1 dans le Code pénal qui dit : « L’introduction dans un local à usage d’habitation ou à usage commercial, agricole ou professionnel à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, hors les cas où la loi le permet, est punie de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende. Le maintien dans le local à la suite de l’introduction mentionnée au premier alinéa, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines. »
Les Jeux Olympiques et Paralympiques, prétextes à un renforcement des possibilité de surveillance
Comme d’habitude, la loi n° 2023-380 du 19 mai 2023 relative aux jeux Olympiques et Paralympiques de 2024 et portant diverses autres dispositions (et son décret d’application 2023-828 du 28 août 2023) ne concerne évidemment pas uniquement les Jeux olympiques et paralympiques mais vise à adopter plusieurs dispositions pérennes qui renforcent la logique sécuritaire au détriment des droits fondamentaux, tels que l’usage de scanners corporels pour filtrer les entrées ou la création de deux délits réprimant « l’entrée illicite dans une enceinte sportive » et le fait « de pénétrer ou se maintenir sur son aire de compétition sans motif légitime » (elle pourra concerner des actions d’activistes écologistes par exemple, dans la mesure où celles-ci conduiraient à la perturbation ou à l’interruption de manifestations sportives, comme cela a eu lieu ces derniers mois – à Roland-Garros notamment).
La mesure la plus saillante et la plus médiatisée de ce texte est l’expérimentation de la vidéosurveillance automatisée ou algorithmique (VSA) prévu à l’article 10 de la loi. Ce dispositif technologique est censé générer des alertes en temps réel lorsque l’algorithme aura détecté un « évènement prédéterminé » (défini par décret) qu’il aura été entraîné à reconnaître.
Cette mesure est entourée de garanties factices et illusoires comme son utilisation à titre expérimental et jusqu’au 31 mars 2025. On a rarement vu une « expérimentation » aussi large et aussi longue être finalement abandonnée, surtout lorsque les partenaires privés auront tant investi financièrement. D’ailleurs Amélie Oudéa-Castéra, ministre des Sports à l’époque, a annoncé le 24 septembre 2023 que l’expérimentation de la vidéoprotection augmentée pourrait être pérennisée après les Jeux si « elle fait ses preuves ».
L’Union européenne obtient une modification des règles de la garde à vue française
La loi n° 2024-364 du 22 avril 2024 portant diverses dispositions d’adaptation au droit de l’Union européenne en matière d’économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole (DADUE), a été publiée au Journal officiel du 23 avril 2024. Le texte met en conformité le droit français avec plusieurs directives européennes, notamment en matière pénale. Ainsi, conformément à la directive 2013/48/UE du 22 octobre 2013, les droits du gardé à vue sont renforcés. Les articles 63-1 et 63-2 du Code de procédure pénale sont modifiés afin de permettre à la personne gardée à vue de faire prévenir toute personne de son choix (et non plus seulement son employeur ou un membre de sa famille), et de communiquer avec elle. En outre, la loi complète le dispositif permettant au gardé à vue d’être assisté par un avocat dès le début de sa garde à vue. Il est néanmoins précisé que ce dernier doit se présenter « sans retard indu ». Cependant, le procureur de la République peut, à la demande de l’officier de police judiciaire et sur décision écrite et motivée, décider de faire procéder immédiatement à l’audition de la personne gardée à vue ou à des confrontations si cette décision est, au regard des circonstances, indispensable soit pour éviter une situation susceptible de compromettre sérieusement une procédure pénale, soit pour prévenir une atteinte grave à la vie, à la liberté ou à l’intégrité physique d’une personne. La personne gardée à vue est alors immédiatement informée de l’arrivée de son avocat. Elle peut demander une interruption de son audition ou d’une confrontation en cours afin de s’entretenir avec lui et qu’il prenne connaissance des procès-verbaux de ces auditions et confrontations.
Coté répression de nos camarades, la dernière en date concerne Olivier Cuzon, co-sécrétaire de Solidaires 29 qui a fait l’objet d’une plainte de Darmanin des chefs de « Diffamation et injure publiques à l’encontre de la police et de la gendarmerie nationales » pour un tract de Sud éducation 29 consacré aux classes de défense. En qualité de directeur de publication il a été auditionné le 19 avril 2024 au commissariat de Brest. Le passage incriminé est le suivant : « Ce questionnement est important quand on connaît la culture droitière, misogyne et homophobe sous de trop nombreux képis. Les enquêtes de Médiapart révélant l’existence de groupuscules nazis dans certaines casernes, les groupes de discussion racistes des policiers et gendarmes, ou la participation récente de militaires en civil à la répression des dernières émeutes de banlieues ne plaident pas en faveur du républicanisme des militaires. ». Faites attention à vos publications !!
Pour en savoir plus sur les Droits & Libertés, lisez « Article 19 », le bulletin du Groupe de Travail Droits & Libertés de Solidaires