Le combat pour l’égalité des droits commence par celui de celles et ceux qui en sont les plus dépourvus. Ainsi de celles et ceux à qui le droit du travail ne réserve que le minimum, ainsi des travailleur-ses sans papier. Or il se trouve que ceux-ci n’ont même pas accès à l’aide juridictionnelle qui leur permettrait de disposer des moyens financiers pour accéder à la justice prud’homale et ainsi engager les procédures pour faire respecter leurs droits.
Quatre travailleurs sans papier ont saisi en 2023 la justice prud’homale pour faire requalifier leur contrat de travail précaire en contrat à durée indéterminée. Or s’ils et elles peuvent saisir la justice, ils et elles ne peuvent compter que sur leurs propres ressources pour se faire aider dans leurs procédure s’ils et elles recourrent à un avocat. En effet une loi de 10 juillet 1991 réserve l’aide juridictionnelle qu’aux seul-es travailleurs-ses qui « résident régulièrement en France ». Une modification de 2016 a étendu cet accès « à titre exceptionnel » aux travailleurs-ses sans papier lorsque « leur situation apparaît particulièrement digne d’intérêt au regard de l’objet du litige ou des charges prévisibles du procès ». Notons le caractère flou des critères soumis à l’interprétation subjective du juge : si celui-ci juge de son point de vue que la situation n’est donc pas digne d’intérêt, il peut donc parfaitement refuser l’accès à l’aide juridictionnelle. C’est donc une discrimination qui entrave la possibilité à la plupart des travailleur-ses sans papier de se défendre et avoir droit à un procès équitable. Une question prioritaire de constatitutionnalité (QPC) a donc été déposée par ces travailleurs pour tenter de faire censurer la disposition de cette loi inique. Etant donné les enjeux importants pour les droits des salarié-es, Solidaires ainsi que plusieurs autres organisations syndicales ont décidé de se porter intervenante volontaire dans ce procès.
Après que le Conseil de prud’hommes de Paris ait validé en novembre 2023 le principe de la QPC et que le Cour de Cassation a fait de même le 29 février dernier, la balle est arrivée dans le camp des juges constitutionnel. Et c’est à l’aune de la déclaration des droits de l’homme et ainsi de l’égalité devant la loi et du droit d’agir en justice que le Conseil Constitutionnel a enfin censuré le 28 mai dernier cette discrimination parfaitement scandaleuse pratiquée à l’encontre des travailleur-ses sans papier. C’est une belle victoire qui a soulevé les cris d’horreur de l’extrême droite, preuve de sa grande importance sur le chemin de la conquête de nos droits à toutes et tous pour l’égalité.