En direct du droit : Bulletin N° 4 – Quelle justice ?
août 2022
Au sommaire de ce nouveau numéro :
- Face à Macron, l’arme du droit ?
- Le combat pour l’indemnisation des salariés licenciés abusivement doit continuer
- Alerte antisociale à la RATP
- Victoire de salarié·es du nettoyage contre leur employeur
- Justice enfin rendue pour les 20 salarié·es de O’Tacos Pigalle !
- Procès Deliveroo : droits des salarié·es 1 – Macron 0
- France télécom : « sauver l’entreprise », quoi qu’il en coûte...
- En différé de la justice du travail
- Agenda
Edito :
Quelle justice ?
À l’issue d’une saison estivale où l’actualité juridique paraît toujours un peu ralentie voire en l’occurrence écrasée par la chaleur, voici la dernière livrée du bulletin de la commission juridique de Solidaires. Y sont comme toujours développées différentes actualités judiciaires sur les sujets des libertés et des droits sociaux avec l’idée transverse que l’outil juridique est avant tout un instrument au service du rapport de force. Un outil à la maîtrise souvent peu évidente tant la justice est un monde en soi si ce n’est à part. Il n’en reste pas moins que sa place au coeur de nos sociétés est une question et une controverse fondamentale.
Pour beaucoup et notamment dans le monde du travail, la justice devrait être un redresseur de torts. L’autorité en charge de dire le droit sous entendu chargée de combattre l’injustice. Dans la réalité c’est un pouvoir et donc entre des mains qui influencent son action. Et ces mains sont celles des dominants. Ainsi parle-t-on de justice bourgeoise tant il est vrai que la bourgeoisie a saisi tout son intérêt à maîtriser un outil qui ne remet pas en cause sa domination sociale. Il fut un temps révolutionnaire où elle était élue.
Rappelons que les régimes politiques démocratiques sont normalement organisés autour de 3 pouvoirs, législatif, exécutif et judiciaire plus ou moins indépendants et équilibrés entre eux. C’est sous pas mal de réserves le cas aux Etats Unis sans que pour autant d’ailleurs la Cour Suprême soit nécessairement un symbole de progressisme bien au contraire (cf ses derniers arrêts). En France l’indépendance de la justice n’existe que sur le papier. Elle est assez largement entre les mains du pouvoir exécutif d’où des décisions qui ne font que tempérer au mieux, valider au pire, les décisions mêmes injustes prises par les deux autres. D’où de fréquentes hésitations, avec parfois des décisions sur les libertés publiques ou sur les droits sociaux qui peuvent sembler courageuses tout en ne remettant pas en cause l’ordre existant. Après tout il est bourgeois. D’autres décisions sont nettement plus contestables ainsi du barème Macron ou celle validant la réforme de l’assurance chômage. Dans le cadre de l’ordre établi, tout cela traduit les équilibres politiques entre volonté de faire triompher une certaine justice et ne pas déplaire aux pouvoirs dont on dépend, notamment l’exécutif. Sans compter les pressions exercées par d’autres corps comme la police dont certains militent pour que celle-ci ne soit qu’un appendice de son ministère. Ces équilibres fragiles font la réalité d’un régime politique, plus ou moins démocratique. Ils expliquent donc les décisions plus ou moins favorables qui figurent au menu de ce numéro de l’été 2022.
Comme tout pouvoir, il appartient à ses mandant·es, la population, de fixer les règles du jeu y compris de qui en a la maîtrise. Pour le respect de nos droits, l’indépendance de la justice est fondamentale. Mais là encore, ce sera selon le rapport de force, patronal ou salarial, bourgeois ou populaire, que justice sera rendue (ou non).
Bonnes réflexions et à la rentrée !