C’est une synthèse brillante qui remet en perspective sur le très long terme les processus sociaux et intellectuels qui nous ont mené à la situation présente de rapport à la nature et de crise écologique, en mettant en avant des débats scientifiques et historiographiques.
Même si on peut regretter parfois une certaine difficulté dans le niveau de lecture, Pierre Charbonnier qui est philosophe de formation a essayé de construire un outil didactique et pédagogique de vulgarisation qui cherche à définir et donner des exemples explicites. Cet ouvrage permet d’avoir une synthèse conséquente des enjeux économiques, politiques et culturels actuels, des lignes de ruptures et de leurs constructions historiques.
Il place aussi très bien dans le long terme la question de la centralité du système capitaliste, fait le lien avec le colonialisme, le féminisme, replace un grand nombre d'éléments de questionnement ou de critiques liés à l’écologie, ne reste pas centré sur l’Europe ou le nord…
Quelques petites limites, à la marge : la synthèse oblige certainement à des simplifications, ça peut se ressentir dans l’explication causale de certains événements / moment historiques (par exemple sur le plan Marshall).
Une autre limite, c’est peut être de tracer une histoire sur des concepts, des individus centraux et des institutions qui n’aborde que peu les dynamiques sociales collectives et les rapports de forces en jeu.
C’est peut être un élément à discuter dans l’aspect moteur des processus sociaux de transformation sociale qui sont loin d’être réductible à la question des partis politiques et à “gagner une majorité dans les urnes”.
Si évidemment l’ouvrage ne vise pas à s’intéresser qu’à la France, sur le syndicalisme (abordé à la marge) et l’action pour l’égalité sociale, il y aurait à pouvoir nuancer pour voir les dynamiques de lien entre le social et l’écologique qui existent depuis un certain temps. Voir, par exemple les travaux de Renaud Becot pour la France, sur l’histoire sociale et environnementale des ondes du travail, de l’action syndicale sur le sujet. Voir aussi la façon dont une partie du syndicalisme réfléchit et agit depuis des décennies sur la sortie du productivisme et sur un projet de société qui ne soit pas celui du “compromis social” des Trentes Glorieuse qui est une impasse (sans encore avoir toutes les solutions).
D'ailleurs, notre revue Les Utopiques a sorti il y a deux ans un numéro “écologie une urgence syndicale” qui entre en résonance avec Culture écologiste. https://www.lesutopiques.org/category/numero-15/ dont l'article “écologie moteur de la transformation sociale”
https://www.lesutopiques.org/lecologie-moteur-de-la-transformation-sociale/
Sur l’interface sociale et écologie, il y a évidemment tout le travail du mouvement social qui existent depuis des décennies, et pas qu’en France. Il n’y a pas une frontière hermétique dans le Nord (par rapport à des élaborations sociales/écologiques mises en avant dans le Sud). Il y a aussi les avancées majeures récentes, comme avec la création de PJC l’alliance écologique et sociale où nous nous retrouvons entre syndicats de salarié-e-s, de paysan-nes et associations sociales et écologiste pour créer un discours, des revendications, des pratiques et des actions collectives. Mais c’est bien la preuve qu’il nous reste un grand chemin à parcourir pour faire connaître et massifier encore plus nos lignes d’actions, à toutes les échelles, du local à l’international.
Pierre Charbonnier met l’accent au final sur la nécessaire construction d’une culture, d’une alphabétisation écologique, avec la place centrale de l’éducation et de l’école. D’ailleurs il est très utile pour faire évoluer la culture historique sur l’intégration de la place de la nature.
C’est un ouvrage vraiment important qui mérite des discussions à la marge, mais permet d’apporter des éléments intellectuels sur lesquels s’appuyer.
Il renforce la conviction que le syndicalisme a une responsabilité majeure, pour ne pas dire historique, pour être la hauteur des transformations en profondeur indispensable de la production et de la consommation. En lien avec les questions de socialisation et d’autogestion. On peut regretter qu’il n'ait pas un index pour permettre de le réutiliser facilement. Le livre est vivifiant et important pour se mettre à niveau et pour avancer. Il donne aussi beaucoup de références, des livres, des articles, du multimédia. Ce qui ne retire rien, il est superbement maquetté. Bref, courez vous le procurer !