Le sujet de l’agrivoltaïsme que le Sénat définit comme « coexistence d’une production électrique significative et d’une production agricole elle aussi significative, sur une même emprise foncière » est un axe intéressant pour faire le point sur le photovoltaïque en France. Pris avec d’extrêmes réserves par la Confédération Paysanne, l’agrivoltaïsme propose en effet des fausses solutions. Au chapitre du pire, la question se pose ainsi de dédier des terres arables à l’exploitation de panneaux solaires, a fortiori à la lumière de la crise alimentaire que traversent nombre de pays avec le conflit en Ukraine. Il y a certes l’appât du gain avec des rémunérations pouvant atteindre 4000 € par hectare et par an, un aspect qui pèse quand nombre de paysans ont de très faibles revenus, et des retraites plus que symboliques. Certains projets qui visent à raser 2000 ha de forêt comme à Saucats au sud de Bordeaux confinent au délire. Par ailleurs, les aspects de financement de ces opérations, coûteuses au départ, attirent nombre de spéculateurs prompts à lever les fonds et à rapidement céder les infrastructures après de rapides profits, souvent issus de subventions publiques.
En 2021, seuls 2,7% des besoins du pays étaient couverts par la production photovoltaïque, c’est-à-dire 14 sur les 523 TW/h produits. La disponibilité et la plus-value des terres agricoles sont devenues un enjeu avec les objectifs fixés par la programmation Pluriannuelle de l'Énergie (PPE) pour la filière photovoltaïque : un parc photovoltaïque de puissance égale à 20,1 GW en 2023 et une puissance comprise entre 35,1 GW et 44 GW en 2028. Ça représente 44 000 hectares à terme, d’où l’intérêt pour les terres agricoles, beaucoup plus faciles à acquérir.
Il y aurait pourtant de vraies possibilités de collaboration avec le financement quasi intégral d’infrastructures de type hangars de stockage ou bâtiments d’exploitation agricole, pourvues de panneaux photovoltaïques, pour des concessions trentenaires avec à la fin la pleine propriété des infrastructures pour les paysans. Un peu moins de 5 % des 400 000 à 450 000 exploitations disposent aujourd’hui de hangars équipés de panneaux photovoltaïques.
Des surfaces il y en a !
En termes d’alternative à la prise de possession de terres arables, on peut citer deux exemples qui devraient être des voies évidentes pour l’expansion d’un parc photovoltaïque dans le pays. Citons deux propriétaires fonciers possédant des terrains et des infrastructures sur tout le territoire, proches de réseaux électriques existants et surtout relevant du patrimoine public. Des propriétaires qui devraient obéir au doigt et à l’œil à la puissance publique : la SNCF et La Poste.
Coté SNCF, Réseau Ferré de France possède un peu plus de 10 millions de m2 de terrains, répartis dans 11 000 communes dont 90 % sont constitués des emprises des voies ferrées, mais les 10 000 ha restants correspondent à des infrastructures pouvant accueillir des équipements photovoltaïques, sur les toits, les parkings, etc. Ces possibilités ne sont pas au cœur des démarches de « responsabilité sociale » de la SNCF avec des mini projets de fermes ça et là.
Coté Poste on est sur 3,3 millions de m2 dont environ 40 % d’emprises « industrielles », plate-formes de tri géantes et leurs parkings, centres de distribution du courrier à la périphérie immédiate des villes. La Poste qui délègue ses opérations autour de l’immobilier à la filiale foncière POSTIMMO stagne à 44 000 m2 de panneaux solaires depuis quelques années pour une production d’environ 6 GWH. La croissance du trafic colis a engagé La Poste sur un plan massif de construction de plate-formes géantes aux quatre coins du territoire, 250 000 m2 ont ainsi été bâtis en 2020. Hélas aucune d’elle n’est conçue à l’origine pour accueillir des panneaux solaires sur les milliers de mètres carrés de leurs toitures. Pourtant avec 2 milliards d’€ de bénéfice du groupe La Poste en 2021, il y a largement de quoi compenser les surcoûts et soutenir une vraie stratégie du photovoltaïque « public ». À ce jour aucune entreprise sous contrôle intégral de l’État ne construit autant d’infrastructures « solaire compatible », la loi Climat 2021-1104 du 22 août 2021 prévoit l’obligation, pour toute construction ou rénovation lourde de bâtiment de plus de 500 m, de couvrir de panneaux photovoltaïques au moins 30 % de leur surface de toitures, à suivre donc.
Au-delà des exemples de la SNCF et de La Poste les terrains civils ou militaires, infrastructures routières ou aéroportuaires désaffectées sont autant de possibilités de capter l’énergie solaire dans tous les territoires. Il faut juste que le gouvernement coordonne les efforts entre ministères, armée, transports, industrie, économie, ça s’appelle l’aménagement du territoire, mais c’est pas vraiment start-up comme sujet…
Sources : https://expertises.ademe.fr/energies/energies-renouvelables-enr-production-reseaux-stockage/passer-a-laction/produire-lelectricite/solaire-photovoltaique