Pourquoi le mot d’ordre d’une grève féministe ?
Depuis plusieurs années, Solidaires porte le mot d’ordre de « grève des femmes » pour le 8 mars. Le renvoi à une « grève des femmes », traduit par certain·es comme une grève des seules femmes, n’a pas toujours été compris, voire rejeté, également sur l’argument ancien d’une division des travail- leur·euses. Du coup, c’est la modalité d’une grève féministe qui a été retenue en 2018 par exemple en Espagne. C’est aussi le mot d’ordre de l’appel national unitaire en France depuis 2019, entre les organisations du mouvement féministe et des syndicats.
Cette année la CFDT, la CGT, la FSU, Solidaires et l’Unsa appellent à se mettre en grève le 8 mars. Des préavis seront déposer au niveau national et dans divers secteurs.
Pour autant, on sait que les femmes qui sont dans des emplois précaires, sous-payées, ou dont dépend une personne dépendante ne pourront pas faire grève. On peut s’inspirer de l’exemple espagnol où en 2018 les femmes qui ne pouvaient rejoindre les manifestations massives ont porté ou ont accroché un foulard violet à leur fenêtre pour visibiliser leur participation.
Et concrètement c’est quoi la différence entre une grève féministe et une grève classique ?
La grève est la cessation du travail, deux dimensions du « travail » sont en cause lorsque l’on parle de grève féministe :
- La dimension du travail au sens général, c’est-à-dire le travail salarié : les femmes ont rejoint en France les hommes en terme de taux d’activité, mais des différences restent persistantes : différences de salaires, présentes majoritairement dans des métiers moins rémunérés (santé, éducation, soins…), différences d’évolutions de carrières, majorité de femmes dans le travail précaire et les temps partiels et au final une différence de montant de retraite de près de 40 %.
- La dimension du « travail » invisible : c’est-à-dire le travail domestique, puisque les femmes ont encore en charge majoritairement les tâches ménagères et le soin, l’éducation des enfants. Il ne s’agit donc pas de cloisonner cet appel à la grève au seul travail salarié. La situation des femmes, des inégalités qu’elles subissent, est liée à un rapport de domina- tion qui couvre toutes les situations de vie : sa place dans la société, sa place en tant qu’être sexué, sa place au travail…
La « grève féministe » est aussi un slogan politique qui renvoie au système patriarcal, elle appelle ainsi à cesser le travail, les soins, les tâches domestiques, les études et la consommation !
Il s’agit aussi au travers de ce slogan d’appeler les femmes à faire grève pour obtenir l’égalité qu’elles n’ont pas. Derrière la « grève féministe », il y a le « par » et le « pour ». Une grève par les femmes et pour les femmes.
La place des hommes est aussi un sujet récurrent : ils peuvent évidemment faire grève, mais aussi prendre en charge les enfants, tâches domestiques etc..et que leur compagne, camarades, etc puissent faire grève.
L’enjeu de l’égalité est non seulement des droits pour les femmes, mais aussi d’être dans une société sans domination, ce qui profite à tous et toutes.
Trois caractéristiques des mouvements de lutte des femmes ces dernières années peuvent être retenues :
- L’importance du contexte et de la dimension internationale : l’accélération des régressions des droits des femmes à laquelle on assiste sur l’avortement, accompagnées des montées de l’extrême droite et des conservateurs partout. Les répliques comme le mouvement #Metoo, #BalanceTonPorc, sont elles aussi à dimension internationale. => d’où l’importance pour Solidaires de faire les liens au sein du réseau syndical international avec les militantes syndicales engagées dans ces luttes !
- L’ampleur des mobilisations et leur continuité sur toute l’année : elles dépassent parfois celles des mobilisations sociales « classiques », encore récemment au Pays Basque du sud, des milliers de femmes se sont mises en grève autour de la question des soins. Elles se déroulent sur toute l’année, et là où le 8 mars est d’ampleur, c’est la continuité des luttes féministes dans le temps qu’il faut pointer ! => d’où l’importance pour Solidaires de se mobiliser toute l’année sur les questions féministes et de les inclure dans nos revendications et luttes quotidiennes.
- La force collective et émancipatrice des femmes : leur capacité à s’opposer et à mener les combats même si ce ne sont pas forcément toujours des luttes victorieuses dans l’immédiat. => d’où l’importance pour Solidaires de soutenir ces luttes, les initier, les « visibiliser », parce que de plus en plus de femmes s’engagent, et qui répond aussi à des enjeux de renouvellement du syndica- lisme et du syndicat.