UCORE : l’éducation au Labor notes

Le secteur de l’éducation se réunit à l’occasion de chaque Conference du Labor Note dans le cadre du UCORE (United Caucuses of Rank and File Educators : Caucus unis des éducateurs de base).

UCORE est un réseau national de caucus d’éducateurs de la maternelle à la terminale dont les membres partagent des stratégies, organisent des ateliers sur les défis à relever et se soutiennent mutuellement dans leur travail de transformation de leurs syndicats. Certains caucus UCORE sont actifs depuis plus de dix ans. D’autres en sont à leurs débuts. Certains occupent des postes de direction au sein de leur syndicat. D’autres sont «le syndicat qu’ils veulent que leur syndicat soit».

Une journée de réunions et d’ateliers a été organisée en parallèle du début de la Conference du Labor notes dans le même lieu (tout comme le secteur du rail par exemple). La fédération SUD éducation était une de organisations internationales invitées (une grande délégation du Japon était aussi présente). Voici l’intervention qui y a été lue :

Conférence Labor Notes – UCORE – Intervention de Sud Education Solidaires France

Bonjour,

Je suis Cybèle David de l’Union syndicale Solidaires, organisation syndicale interprofessionnelle du public et du privé de France, anticapitaliste, féministe, antiraciste, écologiste et internationaliste. Notre Union est membre du Réseau syndical international de Solidarité et de Luttes.

J’interviens aujourd’hui à la place de Manel Ben Boubaker qui devait venir pour la fédération Sud éducation et qui n’a pas obtenu son visa (ESTA). Nous sommes toutes les 2 enseignantes en banlieue parisienne et membres de la fédération Sud éducation qui regroupe des personnels de l’éducation de la maternelle à l’université dans toute la France. En France, plusieurs syndicats peuvent être élus aux élections professionnelles. C’est le cas de Sud éducation dans de nombreux territoires et au niveau national.

Je vais vous parler de l’actualité dans l’éducation en France :

Choc des connaissances vs choc des moyens financiers

La colère est forte dans l’éducation ces derniers mois à cause d’une nouvelle réforme dite « choc des savoirs » et de l’orientation répressive et restrictive des politiques éducatives.

—> Choc des savoirs : l’objectif est d’établir des groupes de niveaux dans toutes les classes, autant dire le tri social et la sélection. Le gouvernement veut créer une école publique à deux vitesses, une pour les « bons » et une pour les « mauvais » élèves – comme on le sait, ce sont les élèves des classes populaires qui en feront les frais.

Depuis hier, de nouvelles attaques ont été annoncées par le Premier ministre : il instrumentalise des faits isolés pour tenter de criminaliser les élèves, en particulier des quartiers populaires (et donc racisé·es en grande partie). Au lieu de donner les moyens pour l’éducation, l’égalité et la protection des jeunes, il veut transformer l’école en espace de contrôle, d’embrigadement et de répression.

L’école publique est aussi fortement attaquée en terme de moyens depuis de nombreuses années par le gouvernement de Macron : il donne de plus en plus de moyens financiers à l’école privée pour favoriser une éducation à 2 vitesses.

C’est toute la fonction publique et les services publiques qui subissent des attaques en France depuis de très nombreuses années, avec une accélération et un durcissement avec Macron.

Le Plan d’urgence 93

Une lutte avec une grève des personnels et la participation des parents et des élèves est en cours les quartiers populaires du nord Paris (la Seine-Saint-Denis, où auront lieu les Jeux Olympiques), impliquant les écoles, les collèges et les lycées pour un Plan d’Urgence.

Il s’agit d’une grève massive en raison du manque structurel de moyens, d’enseignant·es, de personnel, depuis de nombreuses années. La majorité des syndicats d’enseignants sont impliqués dans ce mouvement qui se prépare depuis plusieurs mois.Il prend la forme de grèves, de manifestations, d’occupations, de pétitions, banderoles devant les établissements...

Nous demandons 10 000 postes d’enseignant·es, éducateurs, infirmières, psychologues, etc. et de meilleurs conditions de travail et matérielles (chauffage, entretien des locaux...).

Les revendications du Plan d’Urgence ont été portées auprès du ministre de l’éducation et du Premier ministre ces derniers jours mais aucune réponse n’a été apportée : la lutte reprend ce lundi 22 avril après 2 semaines de vacances.

Répression

Nous sommes aussi confrontés depuis plusieurs années à un gouvernement répressif. Plusieurs manifestations se sont terminées de manière très violente comme lors des deux principaux mouvements de grève contre les réformes des retraites. Par ailleurs, de plus en plus d’enseignants sont poursuivis par la hiérarchie administrative. La plupart d’entre eux sont des syndicalistes qui organisent des grèves et des mouvements locaux contre la réforme. Des étudiants impliqués avec des enseignants sont aussi sanctionnées et/ou arrêtés.

Uni-es contre le capitalisme, le patriarcat, le racisme et pour l’écologie.

Même si la politique éducative est sombre et triste pour l’éducation publique, les enseignants et les éducateurs se battent contre cette vision de l’éducation – une vision classiste, sexiste et raciste.

Une nouvelle génération d’enseignants syndicalistes est arrivée ces dernières années : des femmes, des personnes de couleurs, des personnes LGTBQIA+. Ces enseignants sont impliqués dans le mouvement féministe après le mouvement MeToo, dans le nouveau mouvement antiraciste qui se développe en France, dans le mouvement écologiste radical. Ils irriguent nos syndicats de nouvelles idées et de nouvelles pratiques de lutte. Nous sommes de plus en plus capables de mettre en parallèle la question du travail avec les autres systèmes de domination patriarcale et raciste.

La grande majorité des syndicats luttent aujourd’hui contre les violences sexistes et sexuelle et poussent notre hiérarchie et nos syndicats à agir pour protéger les victimes et faire cesser les violences. Grâce à la mobilisation, nous avons obtenu plusieurs réformes de la part du ministère : par exemple, la possibilité de laisser les enfants transgenres choisir leur nom et abandonner leur nom d’emprunt et plus de cours d’éducation à la vie affective et sexuelle.

Récemment, notre fédération – premier syndicat d’enseignants en France – a adopté une position importante pour l’abrogation de la loi qui interdit le port du voile islamique dans les écoles publiques car nous savons que c’est une loi raciste et islamophobe. Nous savons qu’il y a un fort débat en France, y compris à gauche mais nous espérons convaincre plus largement et faire changer les choses.

Cependant, la question raciale est encore fortement niée dans l’école publique, comme dans l’ensemble de la société française. Après la mort de Nahel et les révoltes dans les banlieues, auxquelles certains de nos élèves ont participé, après le meurtre de Wanys, le mois dernier, à Aubervilliers, ville où nous enseignons, nous savons que nous devons prendre notre place en tant que syndicalistes dans ces luttes également. Pour l’égalité, une meilleure éducation et une meilleure vie pour tou·tes les enfants et tou-tes les habitant·es.