Pour le capitalovirus, l’ennemi s’appelle les élu-es du personnel !

N’en ayant jamais assez, le patronat est à l’offensive tout azimut. Profitant de la période sanitaire, du confinement de la population et d’un personnel politique très à l’écoute, celui-ci avance ses pions sans faiblir. Après avoir fait le buzz sur la question du temps de travail, il vient ainsi, grâce à Pénicaud, de passer un sérieux coup de rabot sur les délais de consultation des comités sociaux et économiques (CSE), instances représentatives du personnel du secteur privé. Tout cela, rappelons-le, après déjà avoir obtenu avec les lois travail, la fin des CHSCT, l’éloignement toujours plus important des élu-es de leurs collectifs de travail et des délais de consultation des instances et de production de leurs avis préfixés et donc définis à l’avance.

Au motif que la période exigerait des règles exceptionnelles, les personnels et leurs représentant-es sont donc clairement incités par Muriel Pénicaud à être conciliant-es avec leurs patrons qui font, c’est bien connu, tout leur possible pour veiller à la bonne santé de leurs personnels autant qu’à la leur. A rebours de cette vision idyllique, la réalité indique que ce sont le rapport de force et les instances judiciaires qui parviennent à obtenir ce que les recommandations gouvernementales n’imposent pas au patronat. Sa motivation est inchangée : la reconstitution au plus vite du chiffre d’affaire et de la marge bénéficiaire. Business as usual. Comme avant le 17 mars et si possible encore plus.

Alors que le code du travail exige que le CSE soit consulté préalablement à toute décision de l’employeur entrant dans son champ de compétence comme les conditions de travail et de vie dans l'entreprise, le gouvernement s’est employé le week end dernier à faire sauter par ordonnance cette (maigre) obligation. Et comme toujours sans consulter les organisations syndicales, à quelque niveau que ce soit. A l’exception des accords de performance collective et des licenciements économiques, tous les domaines impactés par l’état d’urgence sanitaire sont concernés, ainsi de l’activité partielle, le temps de travail allongé, la prise imposée de jours de repos, les plans de reprise d’activité....

Pire, alors que pour rendre son avis, le CSE dispose normalement d’un mois (deux en cas d’expertise), l’ordonnance raccourcit drastiquement ces délais à respectivement 8 (et 11) jours ! Et comme si cela ne suffisait pas, cela s’applique également aux décisions antérieures à l’ordonnance et pour lesquelles les délais étaient déjà en train de courir. Pour finir, l’expert lui même n’a que très peu de temps pour agir, à peine 24 heures après sa désignation pour faire sa demande d’informations à l’employeur... Imagine-t-on vraiment que, sous la pression de celui-ci, les instances disposeront du temps nécessaire et travailleront dans les conditions sereines pour élaborer des avis pertinents ? Tout est fait en réalité pour que, faute du temps d’analyse et d’expertise nécessaire, les avis soient bâclés et valident les décisions de ce dernier. On voit bien qu’il fallait rassurer Amazon pour qu’elle continue à faire ses profits en France ! Ce décret sur les avis des CSE arrive à point et semble taillé sur mesure pour la multinationale.

Le risque est donc très grand que le patronat parvienne à faire valider ses plans de reprise d’activité et ainsi à s’exonérer en tout ou partie de ses obligations de résultat en matière de santé au travail et donc de sa responsabilité pénale…. qu’il fera porter également sur les élu-es au CSE, un comble ! D’ailleurs à ce propos, les organisations patronales ont fait concomitamment pression sur Pénicaud (et avec succès sur le Sénat) pour que le gouvernement lève la responsabilité pénale des employeurs dès lors que ceux-ci considéreront avoir respecté les mesures sanitaires pour contrer l’épidémie !

Pour déjouer les traquenards dissimulés derrière les fausses bonnes intentions, c’est au contraire de temps longs dont les représentant-es, élu-es comme équipes syndicales, ont besoin. C’est aussi revoir l’ensemble de ces instances CSE dont on perçoit clairement les limites. Aussi, tout comme l’abrogation de l’ordonnance et du décret limitant les délais de consultation des CSE, l’union syndicale Solidaires exige la remise en place des CHSCT avec des attributions et pouvoirs étendus à ceux qui précédaient les ordonnances de l’automne 2017, seules instances à même d’appréhender les réalités du travail et d’élaborer avec les collectifs de travail les mesures pertinentes pour faire face à la pandémie actuelle et préserver la santé des travailleuses et travailleurs.

Car il ne doit y avoir qu’une seule priorité : la santé et la vie des travailleurs et des travailleuses. Personne ne doit perdre sa vie à la gagner !