Solidaires écrit au Ministre de l'Intérieur

Monsieur Bernard Cazeneuve
Ministère de l’Intérieur
1 place Beauveau

75008 Paris

Monsieur le Ministre de l’intérieur,

L’Union syndicale Solidaires est partie prenante de la mobilisation contre la « loi travail », aux côtés notamment des autres organisations syndicales. Dans les entreprises, les services, dans les territoires, nos équipes syndicales organisent et participent à différentes initiatives qui prennent des formes diverses et variées dont des grèves, manifestations et rassemblements.

Depuis le début du mouvement contre « la loi travail », le comportement d’une partie des forces de l’ordre est inadmissible. Il n’est plus seulement question de « bavures » qui seraient isolées et relèveraient d’une dérive de quelques fonctionnaires mais bel et bien de violences policières répétées et se déroulant dans plusieurs villes. Les exemples sont nombreux, mais en voici quelques-uns qui nous paraissent particulièrement scandaleux :
• A Rennes, à titre d’exemple des nombreuses exactions commises dans cette ville, un militant de notre union syndicale a été violenté physiquement à la suite d’une charge de CRS, rue Jean Jaurès à Rennes le Jeudi 31 Mars 2016 vers 14h00. La charge des policiers a été filmée. On y voit notre camarade se faire violenter gratuitement par les CRS alors qu’il se trouve au sol. Il était identifiable comme militant syndical puisqu’il tenait un drapeau SUD Santé Sociaux. Dans cette ville, à de nombreuses reprises ces dernières semaines, des manifestant-es ont été blessé-es avec des ITT allant parfois jusqu’à plus de 90 jours.
• A Paris, au cours de la journée d’action du 4 avril plus d’une centaine de lycéen-nes et étudiant-es ont été interpellé-es, avec assauts, gazages et tabassages en règle. De la même manière, le 14 avril, la manifestation de Stalingrad à République a fait l’objet d’un traitement particulièrement agressif de la part des forces de l’ordre pour finir par le lancer d’une quantité phénoménale de gaz lacrymogènes une fois arrivé aux abords de la place. A de nombreuses reprises, nos équipes syndicales ont dû porter secours à des manifestant-es blessé-es par les forces de police.
• A Grenoble, le 31 mars un rassemblement était prévu et autorisé à l’anneau de vitesse à la suite de la manifestation. Celui-ci a été interdit au dernier moment et sévèrement réprimé par les forces de l’ordre avec de nombreux épisodes de violences policières.
• Ces situations se sont reproduites et multipliées tout au long du mois de mars et début avril dans d’autres villes comme Nantes, Caen, Lyon, Valenciennes, Marseille, Montpellier, Toulouse, Rouen, etc…

Ces exemples montrent qu’Il ne s’agit donc pas de situations individuelles -qu’il conviendrait aussi de régler via l’IPGN, mais d’une situation globale sur les consignes données aux forces de l’ordre. Lors des manifestations syndicales, les cortèges sont coupés violemment et sans aucune raison par les forces de l’ordre, n’hésitant pas à s’en prendre physiquement à nos services d’ordre. Plusieurs interventions de policiers en civils ont eu lieu en utilisant des autocollants syndicaux et sans brassards police, en utilisant des moyens disproportionnés que nous condamnons fermement. Ces agissements, répétés, qui se sont produits dans de nombreuses villes, sont de votre responsabilité.

L’intersyndicale parisienne a d’ailleurs écrit à la Préfecture de Police (DPOC) en date du 11 avril pour solliciter une audience et revenir sur les problèmes récurrents des encadrements de manifestations par les forces de l’ordre en rappelant notamment « que nous ne pouvons accepter de tels comportements violents des forces de l’ordre, en charge de veiller au bon déroulement des manifestations ». Ce courrier CGT-FO-FSU-Solidaires-UNEF est assez rare pour y noter un vrai climat de répression et de criminalisation de l’activité syndicale ainsi que du droit à manifester. De nombreuses associations, personnalités, partis politiques, collectifs et syndicats ont à travers une pétition intitulée « Un pouvoir qui matraque la jeunesse est faible et méprisable », ont condamné les nombreuses violences à l’égard des lycéens et étudiants.

De nombreuses vidéos, photos et témoignages de manifestants font état de blessures graves, d’interpellations violentes, d’insultes, de gestes visant à humilier, de menaces, d’arrestations arbitraires, d’atteintes à la liberté de rassemblement. La situation ne fait que s’aggraver manifestations après manifestations. Ces agissements méthodiques aboutissent à une remise en cause des droits les plus fondamentaux, comme celui de manifester.

Nous serons très vigilants sur votre réponse.

Dans l’attente, recevez Monsieur le ministre, nos salutations syndicales.

Pour l’Union syndicale Solidaires
Cécile Gondard-Lalanne et Eric Beynel, co-délégué-és généraux