Sur le front du gouvernement : « A l’ouest, rien de nouveau » !

Emmanuel Macron prétend renouveler et le personnel et la pratique politique. Sur le plan de la pratique, il compte visiblement gérer le pays comme une entreprise et pense disposer pour cela de son conseil d’administration, à savoir son gouvernement. Pour ce faire, il aura composé ce dernier avec seulement 4 anciens ministres. Pour autant, peut-on parler de changement ?

Premier constat peu engageant : les ministères de la Fonction Publique ou du logement ont proprement disparu de la photo gouvernementale, l’égalité femmes hommes est reléguée à un secrétariat d’état. Du reste les postes les plus importants échouent entre des mains masculines. Voilà qui indique qu’elles ne seront pas les priorités de ce gouvernement et donc pour la Fonction Publique, le risque d’être une simple variable d’ajustement des comptes publics. Enfin, pour celles et ceux qui en doutaient, le choix des ministres indique un gouvernement essentiellement de droite et dans la lignée des précédents aux politiques néolibérales.

S’agissant du personnel « renouvelé », petite revue de détail d’une galerie de portraits finalement très « énarchique » :


Edouard Philippe

, « homme de droite » comme il s’est défini lors de son entrée en fonction comme premier ministre, est un ancien directeur de la multinationale atomique Areva impliquée dans les coulisses uranifères de la Françafrique. Ce fut par ailleurs un parlementaire discret tant sa présence depuis 2012 en tant que député fut épisodique. Mais il aura quand même au passage voté contre la loi sur la transition énergétique et celle sur la transparence de la vie publique et se sera abstenu sur la loi égalité femmes hommes et celle légalisant le mariage pour tous… Cette loi que visiblement Gérald Darmanin, le nouveau ministre, ancien sarkozyste, de l’action (sic) et des comptes publics, ne porte guère plus dans son cœur.

Gérard Collomb

, le nouveau ministre de l’intérieur, s’est surtout signalé par une gestion autocratique et autoritariste de la ville de Lyon dans une vision très libérale et sécuritaire (il est le premier maire à avoir armé sa police municipale et est particulièrement adepte de la caméra de surveillance). Il s'est illustré par ses politiques anti Rroms, anti migrants, anti pauvres. Il pourra compter dans sa tâche sur le soutien du directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, Patrick Strzoda dit « Flashball » qui s’est rendu tristement célèbre lors des manifs contre la loi travail de l’année dernière à Rennes, pour y avoir exercé une répression sanglante. Alors que s’annonce une nouvelle loi travail encore plus féroce, nous voici prévenu-es.

Muriel Penicaud

, la nouvelle ministre du travail n’a cessé d’occuper postes publics et privés. Parfois deux en même temps, DRH chez Danone et directrice de l’école de formation de l’inspection du travail. DRH ensuite chez Dassault puis PDG de Business France, groupe de lobbying des entreprises françaises, c’est en réalité le patronat qui s’est installé directement aux manettes du Ministère de la rue de Grenelle. Un signe qui ne trompe pas : Laurence Parisot s’est félicitée de sa nomination…

Agnès Buzyn

, la nouvelle ministre de la santé, est médecin. Son mari dirige l’INSERM d’où un risque important de conflit d’intérêt et elle-même ne trouve rien à redire à ces mêmes conflits d’intérêts entre médecins experts et labos pharmaceutiques. Et pour indiquer le sens de sa politique, elle se choisit comme directeur de cabinet un assureur, Directeur général d’Humanis, 3ème groupe français privé en « protection » sociale…

Jean Michel Blanquer

, le nouveau ministre de l’Education Nationale était au poste de directeur de l’ESSEC, l’une des principales écoles de commerce du privé hors contrat. C’est un ultra libéral convaincu des vertus du marché appliquées à l’école quand son directeur de cabinet, Christophe Kerrero, déclare sur un site ultra réactionnaire, SOS Education, qu’il fallait mettre fin à toutes les formes de fausses valeurs véhiculées par le système, du relativisme culturel à l’égalitarisme niveleur…. Il est aussi l'un des artisans des dizaines de milliers de suppressions de postes dans l'Education Nationale lors de son passage au ministère pendant la présidence Sarkozy.

• François Bayrou

, le garde des sceaux, est renvoyé en correctionnelle pour diffamation deux jours à peine après sa nomination. Malencontreux pour le ministre chargé de préparer le projet de loi sur la moralisation de la vie publique…

Le renouvellement est donc en réalité très superficiel et ressemble bien plus à du marketing. Mais surtout cette valse des personnels ne doit pas faire oublier la réalité du programme élu au soir du second tour de l’élection présidentielle qui n'a rien de bien nouveau.

Un programme de casse sauvage du Code du travail et de la Fonction Publique, de privatisation de la protection sociale, de précarisation sous le mode Uber de la société, de perpétuation de l’état d’urgence et de la démocratie uniquement formelle. Autrement dit, un gouvernement d’amplification des politiques antérieures de destruction des acquis sociaux. Et même si la présence d’un défenseur controversé de l’écologie aux positions jusqu’alors opposées à celle de ce pouvoir peut surprendre, on ne doute pas que ce soit la promotion d’un capitalisme vert qui en découle.... Et ce gouvernement, même renouvelé, est parfaitement en phase avec ces politiques néolibérales au service d’un capitalisme pur et dur, les ministres de Bercy, Bruno Lemaire et Gérald Darmanin ayant déjà martelé l’objectif de « tendre à l’équilibre » des comptes publics. Face à la casse sociale annoncée, nous serons donc en lutte et dans la rue.

Solidaires n’attend rien du résultat final de la séquence électorale qui s’achèvera le 18 juin au soir. Nous continuerons à exprimer fortement, et ce en toute indépendance, les revendications légitimes du mouvement social et à peser sur les processus en cours pour les faire aboutir, notamment dans le cadre de la campagne « nos droits contre leurs privilèges » et en travaillant à la convergence des luttes comme celles initiées par le front social. De même, nous nous inscrivons résolument dans la construction d'un cadre syndical unitaire à même d’organiser la nécessaire et urgente riposte sociale.

Car comme nous l’avons maintes fois rappelé, c’est dans les luttes, en grève et dans la rue, dans la seule construction du rapport de force que nous pourrons obtenir satisfaction. Et c’est ce que nous allons continuer à faire !