Iran : Entreten avec l'Union syndicale Solidaires, réalisé par radio Zamaneh

Pouvez-vous présenter le collectif intersyndical formé pour la solidarité avec les travailleurs et les travailleuses en Iran ? Quand et comment a-t-il été créé ? et comment fonctionne-t-il ?

Notre collectif a été créé en 2010 par les centrales syndicales CGT, CFDT, FSU, Union syndicale Solidaires, et UNSA. Il s'est inspiré d'un collectif comparable fondé à l'époque de la dictature de Ben Ali par ces mêmes organisations syndicales à la demande d'associations de l'immigration tunisienne

Le collectif syndical s'appuie sur des informations provenant de la diaspora iranienne et en premier lieu l'association SSTI 2 Cette collaboration a permis aux syndicats français d'agir en solidarité avec des syndicats iraniens indépendants du pouvoir. Leurs membres sont fréquemment réprimés, plusieurs d'entre eux sont actuellement en prison depuis plusieurs mois.

Depuis 12 ans, le collectif cherche à faire connaître la situation en Iran, et à organiser des mobilisations concernant les luttes et la défense des droits humains et syndicaux.

Nous adressons régulièrement des communiqués, déclarations et lettres de protestation à l’opinion publique, aux responsables et autorités politiques d'Iran et de France, à des associations françaises et étrangères, ainsi qu'à diverses structures internationales, etc.

Il nous arrive d’organiser des rassemblements près de l’ambassade iranienne en France, à l’occasion de visites officielles ou d’événements importants.

Nous cherchons également à agir avec des syndicats d'autres pays, comme l'Italie, l'Allemagne, l'Espagne, la Belgique, la Suède, la Norvège, etc.

Nous exigeons notamment le respect du droit à constituer des syndicats en toute liberté. Nous nous appuyons à cet efet sur les Conventions internationales de l'OIT que le pouvoir iranien ne respecte pas alors que certains de ses responsables siègent dans des instances de cet organisme.

Régulièrement, le collectif organise un rassemblement devant le lieu où se tient l'Assemblée annuelle de l'OIT. En 2018, nous étions accompagnés de syndicalistes iraniens des transports et de l'enseignement avec qui nous avons rencontré des responsables de la CSI et l'Internationale syndicale de transports (ITF).

A trois reprises, des syndicalistes iraniens que nous avions invité ont participé à des réunions publiques à Paris et divers pays européens, ainsi qu'à des congrès de nos centrales syndicales respectives.

D'après les syndicalistes venus d'Iran nos diverses actions ont eu des conséquences positives sur leur sort.

Le fonctionnement de notre collectif repose sur la recherche d'un consensus entre les cinq organisations syndicale qui le composent. Nous écartons donc toute prise de position ou action sur lesquelles des désaccords pourraient exister entre nous. Chaque organisation conserve simultanément sa totale liberté sur les points sur lesquels nous divergeons.

Ces derniers mois et à la suite du soulèvement révolutionnaire en Iran, les militants syndicaux, les journalistes et les défenseurs des droits des travailleurs, même ceux et celles qui sont déjà en prison, ont subi une pression énorme de la part des forces de sécurité ; Qu’avez-vous fait par rapport à cette nouvelle situation ?

Nous avons cherché simultanément à :

- rassembler des informations fiables sur la situation en Iran et au sein de la diaspora,

- maintenir les liens que nous avons depuis des années avec une série de militant.es ouvrier.es sur place,

- informer les exploité.es opprimé.es de France et d'autres pays,

- appeler aux mobilisations de solidarité n'émanant pas de forces de droite,

- développer des liens avec des militant.es iranien.nes des nouvelles générations militant.es, notamment lors de la manifestation parisienne du 9 octobre.

Dans ce cadre le collectif syndical a par exemple organisé le 2 décembre à Paris un meeting où ont notamment pris la parole des représentant.es de SSTI et de ROJA.3

Nous nous inscrivons également dans la journée syndicale internationale d'action du 8 février, proposée par des syndicats britanniques. Un rassemblement aura notamment lieu à Paris à proximité de l'ambassade d'Iran.

Plusieurs occidentaux/tales sont aujourd'hui en prison et risquent d’être condamné.es à de lourdes peines d’emprisonnement, comme cela a été le cas pour l’humanitaire belge Olivier Vandecasteele, qui fut condamné à 40 ans de prison et 74 coups de fouet. Concernant ces afaires, qu’avez-vous fait et que faut-il faire ?

Nous demandons aux autorité iraniennes :

- leur libération immédiate, ainsi que celle de toute personne emprisonnée pour ses opinions ou pour des activités liées à des mobilisations politiques et sociales ;

- la levée des poursuites judiciaires à leur encontre ;

- l'arrêt immédiat des tortures et des condamnations à mort.

Ce positionnement concerne les personnes de toutes nationalité, dont bien entendu les syndicalistes enseignant.es et ceux des autobus de la région de Téhéran comme Réza Shahabi et Davood Razavi.

D'après votre expérience, quels sont les défis et les obstacles sur le chemin de la solidarité internationale parmi les travailleurs et les travailleuses aujourd’hui ?

Depuis la mi-septembre, aucune personne de bonne foi ne peut prétendre ignorer que le régime iranien islamique est une dictature sanguinaire.

Il n'en a pas toujours été ainsi. Pendant des années un écran de fumée avait été mis en place par le régime au travers notamment de sa chaîne télévisuelle Press TV, ainsi que par nombre de gouvernements, ainsi que de "personnalités" du monde des afaires, de la politique, voire de la presse ou de la recherche universitaire.

Les associations d'exilé.es comme SSTI, ainsi que notre collectif syndical et des associations de défense des droits humains avaient beaucoup de mal à faire entendre leur voix.

Grâce au courage et à la détermination du peuple iranien, ce premier obstacle à la solidarité internationale a été levé.

Mais il reste beaucoup à faire. Et cela d'autant plus que des courants restés généralement silencieux face aux exactions du régime des mollahs (comme certains d'entre eux l'avaient souvent été lors de la dictature du Chah) deviennent aujourd'hui très bavards. Ils tentent notamment d'imposer des "solutions" propulsées de l'extérieur du pays, incluant le plus souvent le retour au pouvoir des descendant.es de l'ancien Chah.

Face à ces manoeuvres, notre collectif a repris à son compte le slogan "Ni Mollahs, ni Chah" scandé en Iran par les manifestant.es

27 janvier 2023


1 Radio Zamaneh est un media en ligne, indépendant du pouvoir iranien et basé au Pays-Bas.

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2 Solidarité socialiste avec les travailleurs en Iran (SSTI) http://www.iran-echo.com

  1. ROJA : https://www.facebook.com/events/1031564361135183 https://www.instagram.com/p/Cnjm-Elt_At/ https://twitter.com/roja_paris
PS : Une version en farsi est disponible sur le site de Radio Zamanehhttps://www.radiozamaneh.com/751502