Macron, droit dans ses bottines, accentue la guerre sociale.

Maintenant que le projet de loi sur la réforme des retraites a été présenté, maintenant que, sous le commandement du général Macron, une nouvelle phase de la lutte de classes a été ouverte, nous voyons se mettre en ordre de bataille nos attaquants. Comme à l’habitude, nous sommes assaillis de discours à la Nation, de déploiements de mensonges, de manipulations. Tout à la fois il nous est annoncé que le gouvernement est ouvert et à l’écoute, mais qu’il faut être raisonnable et responsable, notamment en rejetant toute idée d’augmentation des « prélèvements obligatoires », pour ne pas alourdir le « coût du travail », pour que le pays soit plus « compétitif ».

Face à la réussite de l’intersyndicale avec les très fortes manifestations du 19 janvier, le Président se vêt de sa « légitimité démocratique » : vous avez voté pour moi le 24 avril 2022, en votant pour moi vous avez voté pour mon programme, vous avez donc voté pour la retraite à 65 ans. Avec une telle logique il sous-entend que les opposants à cette réforme s’opposeraient, en fait, au vote démocratique. Comme si la démocratie se réduisait à un vote global une fois tous les cinq ans, comme si nombre de ses électeurs n’avaient pas voté contre le RN.

Les membres du gouvernement, la garde rapprochée, ont reçu leurs « éléments de langage » et sont chargés de réduire le nombre des opposants. Selon eux, si tant de gens sont contre cette réforme, alors qu’elle est, toujours selon eux, juste et nécessaire, c’est qu’ils n’ont pas compris. Et chacune et chacun de développer sur les antennes qu’ils vont continuer d’aller sur le terrain pour « expliquer », car ils sont pour la proximité et le dialogue.

Les « experts » et les journalistes « bien en cour » ont également été priés de battre le rappel : la réforme est indispensable, sinon le système par répartition est mort, elle amènera plus de justice et plus de solidarité, elle est cohérente car « on vit plus longtemps, DONC il faut travailler plus longtemps », car « tous les autres pays européens ont déjà reculé l’âge de départ en retraite, DONC nous devons le faire », car « il faut financer d’autres besoins indispensables comme l’hôpital et l’école et la France est déjà le champion mondial des prélèvements obligatoires, DONC il faut que les travailleurs travaillent plus », etc.

Ainsi, les uns laissent entendre que nous sommes des imbéciles qui n’avons rien compris, et l’autre nous rappelle que nous l’avons élu roi. C’est l’effet boomerang du « en même temps ».

Quand ça veut pas, ça veut pas ! Ce même 19 janvier, le Président du Conseil d’Orientation des Retraites, Pierre-Louis Bras, auditionné devant la Commission des Finances de l’Assemblée nationale, a notamment expliqué : « Les dépenses de retraites sont globalement stabilisées et même à très long terme, elles diminuent dans 3 hypothèses sur 4. Dans l’hypothèse la plus défavorable, elles augmentent sans augmenter de manière très importante…Donc les dépenses de retraites ne dérapent pas, elles sont relativement maîtrisées ». En s’exprimant ainsi il supprime un « argument » important du gouvernement, lequel se retrouve de plus en plus « nu » : les mêmes il y a trois ans, avec leur « réforme à points », nous disaient qu’il n’était pas question de toucher à l’âge de départ en retraite ; les mêmes il y a six mois nous disaient que la réforme allait servir à financer l’hôpital, les EHPAD, l’école, discours maintenant abandonné face aux critiques qui ont suivi. Désormais il apparait bien que cette réforme vise principalement à maintenir un fort taux de chômage des jeunes (qui attendent que des postes se libèrent suite à des départs en retraite), à élargir la précarité à d’autres couches de la population, tout ceci pour permettre de continuer le processus actuel de concentration des capitaux et des pouvoirs dans les mains d’une minorité.

En retardant encore le départ en retraite, ce que fait Macron c’est le retour, pour celles et ceux qui meurent le plus tôt compte tenu de leurs conditions de travail, à la « retraite des morts » de 1910. Et ce n’est pas la carotte des 1200 € qui va convaincre les retraités : sur les 5,7 millions qui ont une pension inférieure, moins de 0,7 million pourrait les avoir, en ayant cotisé sans interruption pendant 42 ans sur un salaire au moins égal au Smic ! Les personnes qui ont des carrières incomplètes, très souvent des femmes, seront hors de cette disposition. Le gouvernement ne prévoit nullement d’améliorer les minimas sociaux, dont l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA, ex minimum vieillesse).

Toutes les réformes passées, qui toutes nous étaient présentées de la même façon (réformes justes, équilibrées, responsables, etc.) ont eu pour effets réels d’appauvrir les personnes retraitées comme toutes les nouvelles classes d’âge qui partent en retraite, de les faire partir plus usées et fatiguées, de leur voler plusieurs années de leur vie, et, de fait, de casser progressivement le système de retraite par répartition pour ouvrir progressivement un marché aux assurances privées et aux fonds de pension.

Là comme dans d’autres domaines, nous affirmons qu’il y a de l’argent. D’ailleurs, Macron ne fait pas tant d’histoires quand il se prive de milliards d’euros avec la fraude fiscale (plus de 100 milliards d’euros par an), avec les aides sans contreparties aux grosses entreprises (environ 150 milliards chaque année, soit près de 30 % du budget de l’État), avec le budget militaire faramineux qu’il vient d’annoncer, etc.

Nous nous souvenons de Juppé, imperturbable pendant quelques semaines, en hiver 1995, puis retirant son projet.

Encore un hiver qui sera chaud !

On continue, avec les manifestations du mardi 31 janvier 2023 auxquelles l’UNIRS et les autres organisations de retraité.e.s appellent à participer.

À Paris, la manifestation partira à 14 heures de la Place d’Italie.

Partout les personnes retraitées chercheront à défiler ensemble pour se donner « de la visibilité » et pour montrer notamment au gouvernement que de nombreuses personnes retraitées sont contre cette réforme et ne veulent pas que leurs enfants et leurs petits-enfants travaillent « jusqu’au tombeau » !