Lip vivra !

18 juin 1973, Besançon, usine Lip de Palente.

Ce jour-là, elles et ils sont plusieurs centaines, travailleuses et travailleurs de Lip, à être réuni·es en assemblée générale. La décision qui va y être prise va durablement marquer l’histoire sociale et syndicale. Les grévistes de Lip, fleuron de l’industrie horlogère, font le choix de relancer la production de montres pour s’assurer une « paie ouvrière ». Leurs revendications sont claires : aucun démantèlement, aucun licenciement.

Les Lip s’y tiendront, tout au long d’un conflit, déclenché en avril et qui durera tout l’été et même au-delà. En décembre 1973, un accord est trouvé satisfaisant leurs revendications.

Cette lutte emblématique, elle est notre patrimoine commun.

Une lutte démocratique : à côté des deux sections syndicales, CGT et CFDT (cette dernière organisation se réclame alors du socialisme autogestionnaire1), un Comité d’Action, structure d’élaboration horizontale ouverte à toutes et tous est créé. L’Assemblée générale quotidienne est le lieu où se prennent les décisions. Des commissions (popularisation, vente…) permettent à chacun·e de prendre une part active à la lutte.

Une lutte radicale et imaginative : la lutte des Lip défie la légalité capitaliste. Non seulement par sa dimension autogestionnaire – dans la conduite de la lutte comme avec la relance de la production – mais aussi parce qu’elle a remis en cause le sacro-saint droit de propriété.

Les initiatives se succèdent : un bulletin est créé, Lip-Unité, qui est diffusé dans la France entière, dans le même esprit un film est réalisé ; les grévistes se déplacent aux quatre coins du pays… et même au-delà des frontières ; 200 d’entre elles et eux se rendent sur le plateau du Larzac en août, en soutien aux paysans menacés d’expulsion par l’Armée ; le 29 septembre, elles et ils appellent à une grande marche sur Besançon qui rassemble 100 000 participant·es.

Une lutte de femmes : la moitié des Lip sont des femmes, elles représentent même 70% des ouvrier·es spécialisé·es, aux conditions de travail les plus dures et aux salaires les plus bas. De fait, elles sont au cœur de la lutte. Une partie d’entre-elles en critiquent ses travers patriarcaux (pour l’essentiel, les délégués syndicaux sont des hommes). Elles seront à l’initiative d’un Groupe Femmes de Lip.

À tous points de vue, Lip a été une brèche.

À nous d’en ouvrir d’autres.

Théo Roumier, membre de la Fédération Sud Éducation